Permanence : 01 44 32 54 63
Page LinkedIn
Unité Magistrats FO

Projet de réforme de la magistrature : Des avancées…et des inquiétudes

Flash info,  Statut des Magistrats 23/03/2023

Projet de réforme de la magistrature : Des avancées…et des inquiétudes - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

UNITÉ MAGISTRATS avait fondé de grands espoirs sur un projet de loi organique qui se voulait disruptif et qui allait servir de base à la refondation de notre institution dans le prolongement des travaux des État Généraux. Notre déception est grande à la lecture d’un texte inabouti et surtout manquant d’audace.

Dans le cadre de ses échanges bilatéraux avec le Cabinet du Ministre et la Chancellerie, UNITÉ MAGISTRATS a présenté des propositions concrètes et pragmatiques qui ont été pour partie entendues.

En dépit des dispositions disparates de ce projet de loi organique, UNITÉ MAGISTRATS en retient 4 points essentiels.

Sur les nouvelles voies d’accès et la structure du corps judiciaire :

Le projet de loi organique supprime le recrutement sur titres et les voies d’intégration directe dans le corps judiciaire. La commission d’avancement se voit retirer des attributions qui étaient les siennes auparavant. En lieu et place, un concours pour le recrutement des magistrats des deux premiers grades est créé et réservé aux professionnels du droit.

UNITÉ MAGISTRATS, à la différence de certains, approuve cette innovation fondée sur le principe de la méritocratie républicaine auquel nous sommes particulièrement attaché. Toutefois, nous regrettons l’absence de précision sur la composition du jury. A noter que pour être en harmonie avec la jurisprudence administrative et européenne, les limites d’âge sont supprimées sans préjudice pour la durée d’engagement de servir.

► A la surprise générale et sans concertation ni débat préalable, l’organisation hiérarchique du corps judiciaire est bouleversée. Ainsi, les seconds grades deviendront 1er grade, les premiers grades 2nd grade et les HH, 3ème grade. On voit mal l’intérêt d’une telle renumérotation qui ne s’accompagne d’aucune proposition de rééchelonnement de la grille indiciaire que nous exigeons et que nous porterons au plus haut niveau décisionnel.

Plus grave encore, l’accès aux nouveaux 2nd grade et 3ème grade dépendra d’une inscription à 2 tableaux d’avancement différents soumis au bon vouloir de la hiérarchie.

UNITÉ MAGISTRATS s’insurge contre ce nouveau dispositif qui va à l’encontre des critères objectifs et transparents de déroulement de la carrière que nous réclamons, étant rappelé que ceux-ci s’imposent dans la Fonction publique d’État. Plus précisément, on pourra appliquer au 3ème grade, la célèbre phrase de Lampedusa dans Le Guépard : « Il fallait que tout change pour que tout reste comme avant ». En effet, le plafond de verre se déplacera à l’échelon indiciaire sommital du nouveau 2nd grade. Le nombre de magistrats pouvant être promu au 3ème grade sera strictement contingenté sauf pour les chefs de Cour et de juridiction qui y accéderont automatiquement… Ce numerus clausus videra de son contenu la séparation du grade et de l’emploi qui devrait permettre à tout magistrat d’accéder au plus haut grade sans condition de changement de fonction et de juridiction.

A titre de lot de consolation, le projet de loi nous vante l’introduction d’une évaluation « élargie » des chefs de Cour et de juridiction en se gardant bien d’en préciser, les critères exacts et les modalités qui sont renvoyés à un décret en Conseil d’État. On relèvera, sans explication sur ce traitement de faveur, qu’une seule évaluation pendant la durée d’exercice des fonctions pourra suffire. Quant aux 3ème grade de la Cour de cassation, ils continueront à échapper à toute évaluation. UNITÉ MAGISTRATS, précurseur de l’évaluation à 360° des chefs de Cour et de juridiction, restera vigilant sur l’évolution du texte en la matière.

En attendant l’arrivée en juridiction des 1500 magistrats annoncés, la Chancellerie a trouvé la martingale rêvée : tous les magistrats deviennent des juges placés. Dorénavant, chaque magistrat pourra être délégué pour un tiers de son activité annuelle dans n’importe quelle juridiction du ressort de sa cour d’appel…sous réserve de son accord qu’il ne pourra bien évidemment refuser sans s’exposer dans son évaluation à un glissement des croix vers la droite, voire même à une diminution substantielle de sa prime modulable.

Sur la responsabilité des magistrats :

Au nombre des moyens de pression que le pouvoir en place s’ingénie à exercer sur la magistrature viendront s’ajouter les nouvelles dispositions relatives à la responsabilité des magistrats visées par le projet de loi organique.

Ainsi, tout magistrat dont le comportement ou les décisions n’aura pas l’heur de plaire à un justiciable irascible se trouvera exposé à une poursuite disciplinaire. La Commission d’admission des requêtes du CSM pourra être saisie d’un simple courrier de dénonciation dépourvu d’une quelconque articulation de griefs et mieux encore, non revêtu de la signature du plaignant ! Un tel écrit ne saurait valablement être considéré comme une saisine au sens juridique du terme et ne pourrait qu’être qualifié de délation pure et simple. Pour UNITÉ MAGISTRATS, ces aberrations constituent une ligne rouge infranchissable. Si aucune modification textuelle ne devait intervenir au cours de nos futurs échanges avec la DSJ, notre organisation interviendrait directement auprès du législateur et en tant que de besoin, utiliserait toutes voies de droit pour faire invalider l’article 8. D’ores et déjà, UNITÉ MAGISTRATS saura défendre avec détermination et efficacité ses adhérents grâce à un contrat d’assurance sur-mesure de protection juridique souscrit auprès de la MACIF. Nous attacherons la plus grande importance à ce qu’à toutes les étapes de la procédure disciplinaire, le principe du contradictoire soit scrupuleusement respecté. A défaut, notre syndicat engagera toutes voies de recours à sa disposition.

De plus, pour satisfaire l’exigence du Garde des Sceaux d’aggravation des sanctions pouvant être prises à l’encontre des magistrats, le projet de loi organique porte le délai d’effacement d’un avertissement de 3 à 5 ans et aligne sur cette même durée, le retrait des fonctions.

Quant aux prétendues garanties qui nous seraient accordées en contrepartie, elles relèvent uniquement du jeu de dupes. A titre d’exemple, « les dispositions du statut général des fonctionnaires relatives à la lutte contre le harcèlement sexuel, moral et les agissements sexistes s’appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire ». On croit rêver ! Notre statut contient des dispositions qui permettent la commission de ces infractions !  De même pour l’évolution de la carrière, l’égalité professionnelle femmes/hommes, le handicap et la situation familiale sont garantis sous réserve que l’administration l’estime utile !

On est bien loin des revendications d’UNITÉ MAGISTRATS de rédaction d’un code de déontologie incluant la procédure disciplinaire et définissant chaque faute disciplinaire en précisant la sanction correspondante.

Sur les instances en charge des carrières :

UNITÉ MAGISTRATS n’a eu de cesse de dénoncer depuis des années le mode de scrutin anti-démocratique de désignation des membres du CSM. Si notre projet de réforme constitutionnelle des États Généraux auquel nous ne renonçons pas, a provisoirement été mis de côté, nous constatons avec satisfaction que nous avons été entendus quant à un vote direct sur une liste nationale et la suppression des Grands Électeurs. Sur ce dernier point, il est ainsi mis enfin un terme à ce gaspillage des deniers publics que nous avons toujours dénoncé comme s’élevant à 300 000 euros sans compter les ETP perdus.

Pour autant, la Chancellerie a cru bon de s’arrêter en chemin, pour ménager certaines susceptibilités, en maintenant le système des collèges électoraux qui réserve la moitié des sièges de magistrat du CSM à la haute hiérarchie. Nous regrettons que nos propositions alternatives, pourtant parfaitement pragmatiques, n’aient pas été retenues sur ce point (voir notre note en pièce jointe), ce qui ne nous empêchera pas de poursuivre notre action devant le Parlement.

Pour ce qui concerne les élections à la Commission d’avancement, le plus grand flou demeure. En l’état du texte, nous ignorons même si le mode de scrutin sera calqué exactement sur celui du CSM. Par contre, il est certain que désormais, vous n’aurez la possibilité que de désigner directement 6 représentants au lieu de 10 auparavant.

Plus que jamais, UNITÉ MAGISTRATS saura faire entendre sa différence et défendre vos intérêts.

Dernières publications