Nos propositions de réforme de l’institution judiciaire
États généraux de la Justice |
Groupe de travail « Pilotage des organisations et évolution des missions et des statuts » |
Contribution UNITÉ MAGISTRATS SNM FO |
Nos propositions de réforme de l’institution judiciaire |
Véritable serpent de mer idéologique et politique la question de la réforme des institutions judiciaires relève plus en France, depuis trois décennies, de la communication électoraliste que d'un projet abouti visant au renforcement de la démocratie par la mise en œuvre d'une séparation des pouvoirs effective.
Le projet de loi constitutionnelle déposé par Nicole Belloubet, en août 2019, ne fait pas exception à la règle. Ne comportant qu'une seule disposition relative à l'ordre judiciaire, il ne prévoit à son Article 12 qu'une modification marginale de l'Article 65 de la Constitution aux termes duquel les magistrats du Parquet seraient dorénavant nommés sur avis conforme de la formation compétente du CSM et non plus sur avis simple.
Il ne s'agit là en aucune manière d'une avancée mais de la consécration d'une pratique que nul ne songe à remettre en question.
A l'heure où nombre de nos concitoyens expriment un sentiment de collusion entre la justice et le pouvoir exécutif dans le traitement des affaires sensibles ainsi que de partialité dans le processus de désignation des plus hauts magistrats, ce texte dépourvu d'ambition est loin de répondre à cette double interrogation.
A l'inverse, pour y satisfaire pleinement, UNITÉ MAGISTRATS SNM FOa formulé tant auprès du pouvoir législatif qu'exécutif une double proposition :
- renforcer le statut des magistrats du Parquet
- réformer le Conseil Supérieur de la magistrature et lui substituer un Conseil Supérieur de la Justice.
A cela devra s’ajouter une refonte complète de l’accès à la hiérarchie judiciaire et notamment aux postes de chefs de Cour et de juridiction. Il est plus que temps de sortir l’actuel système de cooptation et d’entre soi qui prévaut sous un discours officiel lénifiant de fausse transparence.
Lors de son audition par la Commission Thiriez, UNITÉ MAGISTRATS SNM FOa formulé une série de propositions visant à instaurer pour accéder à ces emplois ainsi qu’à tous ceux de la haute fonction publique, une sélection fondée sur les compétences techniques et les aptitudes à l’encadrement.
Pour éviter tout malentendu, notre organisation rappelle que la refonte de l’ENM en une École de Professions Juridiques réunissant les futurs professionnels du droit de diverses origines, ne résoudrait rien. Il ne s’agirait là que d’un gadget cédant aux facilités de la démagogie et de la communication politicienne de circonstance.
I°) Renforcement du statut des magistrats du Parquet
La rénovation des institutions attendue par les Français passe par une clarification du rôle et du statut des magistrats du Parquet. Pour voir reconnaître aux magistrats Français du Parquet la qualité d'autorité judiciaire au sens de l'article 5-3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et répondre aux exigences réitérées de la jurisprudence européenne (Arrêt MEDVEDYEV du 10.7.2008 et Arrêt France Moulin du 23.11.2010), le simple alignement de leur mode de nomination et de discipline sur celui des magistrats du Siège ne saurait suffire.
L'exigence démocratique commande, ainsi, que le statut des magistrats du Parquet soit renforcé par l'octroi de garanties nouvelles en termes d'inamovibilité et d'indépendance comme c'est le cas, chez nos voisins européens.
Inamovibilité
UNITÉ MAGISTRATS SNM FO demande que soit modifié l'article 64 de la Constitution en accordant les mêmes garanties d'inamovibilité aux magistrats du Siège et aux magistrats du Parquet, sans remettre en cause la spécificité du Parquet à la française.
Une telle mesure s'inscrirait dans la logique de l'unité du corps et consacrerait la pratique actuelle ; les magistrats du Parquet n'étant plus mutés même en avancement sans leur consentement ni sans un avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature
Indépendance
UNITÉ MAGISTRATS SNM FOréclame une réécriture de l'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 aux termes duquel : "les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du Garde des sceaux, ministre de la Justice."
Si, au nom de la nécessaire cohérence de la politique pénale en juridiction, UNITÉ MAGISTRATS SNM FO ne voit pas d'obstacle à la subordination hiérarchique à l'intérieur du corps judiciaire (Articles 36 et 37 du Code de Procédure Pénale), notre organisation demeure opposée à l'intervention du pouvoir politique dans le fonctionnement de l'Institution judiciaire.
UNITÉ MAGISTRATS SNM FO demande que soit retranchée de l'article 5 susdit toute référence à l'autorité exercée par le Garde des Sceaux sur les magistrats du Parquet.
UNITÉ MAGISTRATS SNM FO propose que soient rédigés comme suit :
=> le dernier alinéa de I 'article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les magistrats du Siège et du Parquet sont inamovibles."
=> L'article 5 de I 'ordonnance n° 58-1278 du 22 décembre 1958 :
"Les magistrats du Parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques au premier rang desquels le Procureur Général de la Cour de Cassation."
II°) La réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature
✓ Un CSM à bout de souffle
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L'actuel mode de désignation du CSM est à la fois anti démocratique et non représentatif. Il aboutit au résultat suivant :
➢1 élu des chefs de cour représente 37 magistrats
➢1 élu de la Cour de Cassation représente 73 magistrats
➢ 1 élu des chefs de juridiction représente 168 magistrats
➢ 1 élu des magistrats des Premier et Second grade, des cours et tribunaux représente 1 317 magistrats
90 % du corps est ainsi sous représenté et la hiérarchie judiciaire surreprésentée.
Ajoutons à cela un scrutin à deux degrés tout à la fois archaïque, complexe, peu fiable et d'un coût financier déraisonnable (le déplacement des Grands Électeurs pouvant être estimé à 300 000€ en ce non compris les ETP perdus)
Rien ne justifie la perpétuation de cette instance ni dans sa composition ni dans la désignation.
✓ Vers la création du Conseil Supérieur de la justice
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UNITÉ MAGISTRATS SNM FO appelle à la création d'un Conseil Supérieur de la justice s'inspirant notamment de l'exemple belge.
a) Désignation du CSJ
➢Le CSJ serait désigné selon un mode de scrutin transparent et démocratique fondé sur le principe 1 magistrat = 1 voix.
Les magistrats seront regroupés en un collège électoral unique quelles que soient leurs fonctions, leur juridiction d'appartenance et leur position hiérarchique.
➢Les élections se dérouleront sur scrutin de liste nationale à la représentation propositionnelle suivant la règle du plus fort reste sans panachage ni vote préférentiel.
➢Le scrutin aura lieu par voie électronique.
b) Composition du CSJ
➢Le CSJ sera constitué par la fusion du CSM et de la CAV.
➢Les représentants des magistrats des Cours et Tribunaux seront répartis en deux formations, Siège et Parquet, de 11 membres chacune.
➢Le 1er Président et le Procureur Général de la Cour de Cassation y siègeront ès qualités de membres de droit.
➢Le nombre de personnalités qualifiées sera porté à 12 pour maintenir la parité entre magistrats et non magistrats .
Au total le Conseil Supérieur de la Magistrature sera ainsi composé :
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Formation siège |
Formation parquet |
Membres de droit |
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1er Président Cour de cassation |
PG Cour de Cassation |
Membres élus |
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11 magistrats siège |
11 magistrats parquet |
Personnalités qualifiées désignées
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1 avocat 1 membre du Conseil d'État 2 par Président de la République 4 par Président du Sénat 4 par Président de l'Assemblée nationale |
c) Attributions du CSJ
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La création du CSJ conduira à la fusion du CSM et de la CAV dont les attributions seront réunies et même élargies au sein de cette nouvelle instance.
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Le CSJ, organisé en 4 sections, aura pour missions principales :
- la gestion des carrières et des ressources humaines
- la déontologie et la protection de l'indépendance des magistrats
- la discipline du corps
- la préparation et la gestion du budget des juridictions.
Sans une refonte d'envergure des instances en charge de sa gouvernance, et sans une redéfinition du statut du Parquet, l'institution judiciaire s'enfoncera chaque jour davantage dans un divorce toujours plus grand avec une opinion publique dont les attentes d'indépendance et d'impartialité ne sauraient être systématiquement ignorées sous peine de voir surgir une crise démocratique sans précédent.
III°) Pour la création d’une École de la Haute Fonction Publique
Lors de son dernier congrès extraordinaire, UNITÉ MAGISTRATS SNM FO a pris une initiative inédite dans l'histoire du syndicalisme judiciaire en faisant le choix d'accueillir dans ses rangs les magistrats administratifs et financiers qui participent chaque jour, au même titre que les magistrats judiciaires, à l'édification de l'état de droit.
Dès lors, la création à l'instar de l'École de Guerre, d'une "École de la Haute Fonction Publique" répondrait-elle tout à la fois aux attentes des magistrats et aux impératifs bien compris d’une réforme de l’encadrement de la nation ?
En premier lieu, nous considérons que cette "EHF" ne saurait se confondre avec l'ENM ni avec une quelconque autre école d'application. Il sera, à l'inverse, nécessaire qu'un partenariat étroit s'instaure entre ces deux organismes.
Élargir le catalogue des formations de l’ENM ou en rendre certaines obligatoires, ne permettra nullement de refonder la haute fonction publique de notre pays. A cet égard, relevons que le CADEJ ne peut, en aucune manière, répondre à une telle ambition.
Quitte à les externaliser pour plus d'efficacité, la future "École de la Haute Fonction Publique" devra conserver impérativement la maîtrise des programmes et le contrôle des connaissances.
Dans la lignée de ce qui est actuellement pratiqué à l'École de Guerre, et en conformité avec le principe de méritocratie républicaine auquel nous sommes attachés, UNITÉ MAGISTRATS SNM FO formule les préconisations suivantes :
- l'accès à cette "EHF" doit se faire exclusivement sur concours
- 10 à 12 ans de pratique professionnelle doivent être exigés des candidats
- la durée de la formation ne saurait être inférieure à un an
- l'obtention, à l'issue d'un diplôme sanctionnera l'acquisition des savoirs et des compétences
- en termes de déroulement des carrières, la possession du diplôme susdit donnera accès automatiquement au premier degré de l'échelon sommital. Une liste d'aptitudes à l'exercice de telle ou telle fonction sera établie par l'École au vu des capacités de chacun. Dans le cas de la magistrature judiciaire, le Conseil Supérieur de la Magistrature aura compétence liée et se verra attribuer exclusivement un pouvoir d'affectation.
Pour remplir pleinement sa future mission, cette "École de la Haute Fonction Publique" devra permettre à celles et ceux qui auront suivi avec succès la formation, de poursuivre leur carrière, s'ils le souhaitent, dans un autre ministère que leur ministère d'origine.
Face à la crise institutionnelle et fonctionnelle sans précédent que traverse l’institution judiciaire, les atermoiements et les paroles creuses ne sont plus de mise. Le temps des actes est venu.
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