UNITE MAGISTRATS : LA DEONTOLOGIE AU CŒUR DU SYNDICALISME JUDICIAIRE
UNITE MAGISTRATS était invité à un colloque organisé par l’Université de Perpignan sur la déontologie des juges, le 14 novembre 2025. C’était pour notre syndicat une occasion de rappeler les principes essentiels que nous défendons, notamment l’impartialité dont découle notre positionnement apolitique, mais aussi de soutenir la nécessité de clarifier les règles en matière disciplinaire, dans un contexte de fragilisation du corps judiciaire.
Des magistrats de l’ordre administratif intervenaient également à ce colloque. Notre syndicat, qui accueille également des magistrats administratifs, s’est réjoui de pouvoir échanger lors de ce colloque avec leurs représentants.
SYNDICALISME JUDICIAIRE, APOLITISME ET IMPARTIALITE.
Invité à s’exprimer plus particulièrement sur le thème « Déontologie et syndicalisme judiciaire », UNITE MAGISTRATS a rappelé son attachement à la liberté syndicale des magistrats, nécessaire pour défendre l’institution judiciaire et les intérêts des magistrats, à l’heure où celle-ci est régulièrement remise en cause. Si la liberté syndicale des magistrats n’est plus contestable depuis qu’elle est inscrite dans la loi organique en son article 10-1, elle fait néanmoins l’objet de critiques régulières : celles-ci sont généralement liées au soupçon de « politisation » des juges, qui porte atteinte à la légitimité et à la crédibilité de la justice.
A l’heure où les citoyens n’ont jamais exprimé une défiance aussi importante envers l’institution judiciaire, UNITE MAGISTRATS a rappelé avec force le devoir d’impartialité qui s’impose à tout magistrat, y compris dans son aspect d’impartialité « objective » : celle-ci commande que tout magistrat, y compris dans le cadre de l’exercice d’un mandat syndical, s’abstienne de toute prise de position politique partisane et notamment, de toute attaque « ad hominem » vis-à-vis de personnalités politiques. Dans ses relations avec les représentants du monde politique (Ministère, parlementaires) UNITE MAGISTRATS veille à conserver une posture neutre et apartisane, fondant ses propositions et revendications sur le pragmatisme, l’intérêt général et le souci d’améliorer le fonctionnement de l’institution judiciaire, les conditions de travail des magistrats et la qualité du service rendu au justiciable.
C’est en veillant à cette neutralité, de fond comme de forme, que le syndicalisme judiciaire retrouvera sa légitimité. A cet égard, le rattachement d’UNITE MAGISTRATS à Force Ouvrière, dont l’apolitisme est inscrit dans la charte fondatrice (voir précédent communiqué FO apolitique), est cohérent avec cette exigence.
LES OBLIGATIONS DEONTOLOGIQUES DU MAGISTRAT : UNE NECESSAIRE CLARIFICATION.
S’il convient de distinguer la déontologie, qui relève de la conscience du magistrat des devoirs moraux liés à sa charge, du disciplinaire, qui revêt un aspect punitif, il est illusoire de vouloir absolument séparer ces deux domaines, tant il est vrai que c’est la violation d’une obligation déontologique qui fera encourir au magistrat fautif des poursuites et des sanctions disciplinaires.
Or, en l’état il existe une importante imprévisibilité quant au déclenchement (ou absence de déclenchement) de poursuites disciplinaires, de saisines du CSM ou encore quant aux sanctions prononcées, eu regard à une définition trop floue de la faute disciplinaire. Ainsi les intervenants d’un colloque organisé à la Cour de cassation sur le thème « indépendance et responsabilité des magistrats » déploraient cette imprévisibilité.
La loi organique relative au statut de la magistrature du 22 novembre 2023, qui a modifié la définition de la faute disciplinaire, précise que : « Tout manquement par un magistrat à l'indépendance, à l'impartialité, à l'intégrité, à la probité, à la loyauté, à la conscience professionnelle, à l'honneur, à la dignité, à la délicatesse, à la réserve et à la discrétion ou aux devoirs de son état constitue une faute disciplinaire. » Or, des notions aussi floues ne sont pas satisfaisantes en ce qu’elles permettent un certain arbitraire tant dans les poursuites que dans les sanctions. Si le recueil des obligations déontologiques permet d’affiner certaines notions, cela reste insuffisant.
Cet arbitraire est d’autant plus inquiétant que l’activité disciplinaire du CSM est de plus en plus soutenue, comme le relève le rapport d’activité du CSM de 2024 qui précise que « Depuis 2021, les formations disciplinaires ont été davantage saisies de faits portant, d’une part, sur des insuffisances du magistrat dans son exercice professionnel (…) et d’autre part sur le comportement du magistrat dans son environnement professionnel (…) »[1]
De plus, depuis 2011, les justiciables peuvent saisir directement le CSM. La dernière loi organique de novembre 2023 a élargi les conditions de recevabilité de ces requêtes. Le CSM constate par voie de conséquence un accroissement significatif de celles-ci depuis deux ans (moyenne de 340 plaintes par an avant la réforme, pour 460 enregistrées en 2024)[2]. Les suites données ne sont pas connues (à l’exception d’une seule ayant entraîné une sanction disciplinaire) ce qui interroge au regard du principe du contradictoire, les magistrats étant généralement dans l’ignorance des mises en cause pouvant être portées à leur encontre devant le CSM.
Le site internet du CSM précise même le modus operandi pour le justiciable mécontent du comportement d’un magistrat en l’invitant à le saisir, en ces termes :
« Vous souhaitez dénoncer le mauvais comportement adopté par un magistrat de l’ordre judiciaire ou l'attitude inadaptée de ce dernier à l’occasion d’une procédure judiciaire au cours de laquelle vous étiez justiciable ? »
Pour la première fois, un magistrat a été sanctionné disciplinairement suite à une telle requête, par une décision de la formation siège du 13 juin 2024 (qui a relevé des manquements aux devoirs de diligence, de délicatesse à l’égard du justiciable et défaut de loyauté à l’égard de la hiérarchie).
Cet élargissement et cette augmentation des procédures disciplinaires, basées sur des concepts trop flous, insécurise à juste titre de plus en plus de magistrats, souvent confrontés à des conditions de travail particulièrement difficiles et parfois à des mises en cause personnelles dans le cadre de leurs activités juridictionnelles. Il est ainsi révélateur que de plus en plus de collègues souscrivent des assurances professionnelles, alors que la protection fonctionnelle devrait suffire.
C’est afin de remédier à cette imprévisibilité, de sécuriser les magistrats mais aussi de redonner confiance aux justiciables, que UNITE MAGISTRATS préconise depuis longtemps l’élaboration d’un Code disciplinaire, qui permettrait de prévoir une procédure respectueuse des droits du magistrat et notamment du respect du contradictoire, mais aussi de donner une définition précise de chaque faute disciplinaire et des sanctions encourues, selon une échelle de gravité. Une première étape a été franchie avec la création d’une Charte de déontologie, que notre Syndicat avait été le seul à demander, dans un souci de clarification, et qui sera prochainement publiée.
A cet égard, le sondage effectué par le CSM dans le cadre de l’élaboration de la charte, confirmait ce besoin de clarification pour les collègues : en effet, il en résultait que plus de 38 % des magistrats ne consultait pas le recueil des obligations déontologiques, et que plus de 70 % des magistrats étaient en attente d’éclairages sur des thèmes tels que l’utilisation des réseaux sociaux ou les comportements inadaptés en milieu professionnel. Contrairement à ce qui est parfois soutenu en matière de déontologie, cela démontre bien qu’il n’y a pas toujours d’évidence en la matière.
UNITE MAGISTRATS, tout en ayant une haute idée des principes déontologiques liés au statut de magistrat, en particulier l’impartialité et la délicatesse, continuera à se battre pour une nécessaire clarification des règles, dans l’intérêt de tous les collègues et de l’institution judiciaire. A cet égard, UNITE MAGISTRATS considère que le devoir de délicatesse doit s’appliquer non seulement envers tout justiciable mais aussi entre collègues, et se refuse en conséquence à entrer dans toute polémique stérile ou indigne de nos fonctions.