COMMUNIQUE- Surpopulation carcérale et exécution des peines : et si UNITE MAGISTRATS avait raison ?
Surpopulation carcérale et exécution des peines : et si UNITE MAGISTRATS avait raison ?
UNITE MAGISTRATS analyse la crise carcérale française, où le taux de surpopulation atteint 134,7% (84 311 détenus pour 62 614 places en septembre 2025). Notre syndicat dénonce l'échec des réformes récentes qui, en interdisant les très courtes peines et en multipliant les aménagements, ont paradoxalement augmenté les durées de détention (de 7 à 11 mois) et aggravé la surpopulation.
S'appuyant sur des études criminologiques, UNITE MAGISTRATS préconise un changement radical : privilégier les "ultra-courtes peines" (7-14 jours) prononcées tôt dans le parcours délinquant, comme pratiqué en Allemagne ou aux Pays-Bas. Les statistiques montrent que les primo-délinquants incarcérés récidivent moins (32%) que ceux ayant plusieurs antécédents (70%), prouvant l'efficacité d'une intervention précoce.
Ces propositions, initialement controversées, font désormais consensus : le Sénat, la Cour des comptes et l'Assemblée nationale rejoignent cette analyse. Le rapport sénatorial d'octobre 2025 qualifie le système actuel d'"échec cinglant" et reprend les recommandations d'UNITE MAGISTRATS : suppression de l'obligation d'aménagement pour les peines courtes, création d'établissements spécialisés, et renforcement des mesures de probation. Le projet de loi SURE et le PLF 2026 intègrent également ces mesures, marquant une reconnaissance institutionnelle croissante de l'expertise du syndicat sur la politique pénale.
L’analyse sur la politique d’exécution des peines et l’état des prisons que porte avec constance UNITE MAGISTRATS est reconnue pour sa pertinence par de nombreux acteurs : Cour des comptes, Sénat, Assemblée nationale, Ministre…
UNITE MAGISTRATS, syndicat indépendant défendant les intérêts des magistrats et oeuvrant pour une justice de qualité, s’enrichit des échanges avec ses partenaires de la confédération Force ouvrière, et notamment FO Direction (directeurs de prisons), qui travaillent quotidiennement en milieu carcéral. C’est pourquoi notre syndicat porte un regard particulièrement lucide sur les causes de la surpopulation carcérale et se trouve en mesure de proposer des solutions adaptées.
La situation actuelle particulièrement critique mérite une analyse sérieuse et non pas idéologique : le taux de surpopulation carcérale n’a en effet jamais atteint un tel niveau en France. Selon les données récentes du Ministère de la justice, le nombre de détenus dans les prisons françaises était de 84 311 au 1er septembre 2025, pour 62 614 places opérationnelles, soit une densité carcérale de 134,7 %.
Reconnaître l’échec de nos politiques pénales pour remédier à la surpopulation carcérale.
Comment comprendre que le taux de surpopulation carcérale ne cesse de croître ces dernières années, en dépit d’une volonté politique de réduction, qui s’est traduite par de nombreuses réformes législatives et des objectifs de performance dans les PLF successifs, sans admettre un échec de ces réformes dû à une mauvaise analyse des causes de la surpopulation.
UNITE MAGISTRATS avait, dès le mois de mai 2023, en collaboration avec FO Direction, organisé un colloque pluri-disciplinaire sur la prison, afin d’analyser cet échec de nos politiques pénales en matière carcérale (voir les actes de notre colloque « La prison libère-telle ? ») et proposer des mesures pour y remédier.
A l’occasion de ce colloque, la professeure de criminologie Martine HERZOG-EVANS, expliquait à l’appui d’études scientifiques, que contrairement à la doxa dominante, l’augmentation des mesures de probation non seulement ne permet pas de faire baisser à terme le nombre d’incarcérations, mais ne permet pas non plus de prévenir la récidive. Elle ajoutait que les « ultra courtes peines » (7 à 14 jours de prison), pratiquées dans certains pays européens et anglo-saxons, prononcées suffisamment tôt, étaient efficaces en matière de prévention de la récidive mais aussi de réinsertion.
UNITE MAGISTRATS relevait que les réformes législatives de ces dernières années avaient abouti au résultat inverse de celui recherché : en interdisant les très courtes peines de prison, en obligeant les magistrats à aménager les peines en-dessous de six mois voire un an, les quantum de peines prononcées n’avaient cessé d’augmenter. En multipliant pour un même délinquant les peines alternatives et les aménagements, le prononcé d’une peine de prison ferme prononcée tardivement, entraînait mécaniquement des révocations en série, alourdissant finalement la sanction. En effet, les statistiques officielles indiquaient que les entrées en détention n’avaient pas sensiblement varié ces dernières années mais que les durées de détention avaient augmenté (passant de 7 mois en 1990 à plus de 11 mois actuellement).
C’est donc l’augmentation de la durée de la peine qui contribue à la surpopulation carcérale doublée d’un manque de places de prison, au regard de la moyenne européenne du parc carcéral.
Notre syndicat a porté cette analyse dans une note détaillée sur les ultra-courtes peines et à l’occasion de plusieurs auditions parlementaires et notamment sur la mission exécution des peines.
UNITE MAGISTRATS préconise depuis longtemps un changement de paradigme : incarcérer plus tôt dans un parcours de délinquance, privilégier les courtes peines, pour sanctionner efficacement et prévenir la récidive. Dans les pays voisins qui pratiquent les très courtes peines, prononcées plus tôt (Allemagne, Suisse, Pays-Bas et pays nordiques…), la durée moyenne de détention n’est que de 4 à 5 mois, et il n’y a pas de surpopulation carcérale. De plus, les ultra-courtes peines ont pour avantage, contrairement aux peines de prison longues, d’éviter une perte de travail ou de logement, favorisant ainsi la réinsertion à la sortie.
Plus on sanctionne tôt, moins il y a de récidive.
Les chiffres relayés relatifs à la récidive des sortants de prison sont incomplets et partiaux. Le chiffre mis constamment en avant selon lequel il y a plus de 60 % de taux de récidive pour les sortants de prison, dans les 5 ans suivant leur sortie, laisse à penser que le choix de la prison est un échec pour prévenir la récidive. Or, l’analyse plus détaillée des statistiques permet de nuancer, voire de contredire cette conclusion.
Il en résulte que plus l’entrée en détention est tôt dans un parcours de délinquance, moins il y de récidive. En effet le taux le plus faible de récidive est celui des primo-délinquants incarcérés sans antécédents judiciaires (35 % de récidivistes). Pour les détenus ayant au moins deux antécédents judiciaires, ce taux monte à 74 % de récidivistes. (Voir Infostats n°20 publié le 12 décembre 2024).
L’analyse et les propositions d’UNITE MAGISTRATS commencent à faire consensus.
Le constat posé récemment par le Sénat, à l’issue de sa mission d’information sur l’exécution des peines, rejoignait notre analyse : « Illisible, le droit de l’exécution des peines produit depuis plus de dix ans des effets inverses à l’intention du législateur, au détriment des condamnés, des personnes concernées et de la société dans son ensemble. (…) Pour ne pas réitérer les cinglants échecs du passé, la mission préconise un changement profond de philosophie » (Rapport d’information publié le 1er octobre 2025 sur l’exécution des peines).
Parvenant à des conclusions similaires à celles de notre Syndicat, le Sénat reprenait à notre grande satisfaction plusieurs des propositions d’Unité Magistrats en matière d’exécution des peines, et notamment :
-La suppression des obligations d’aménagement de peine notamment pour les peines de moins de 6 mois.
-La possibilité de prononcer des ultra-courtes peines, « leviers d’efficacité de la réponse pénale », et non désocialisantes, comme le rappelle le Sénat, qui précise : « Les travaux de la mission et les comparaisons internationales montrent que ces peines, si elles sont exécutées dans des établissements spécialisées et réservées à des publics spécifiques -jeunes délinquants ou personnes insérées socialement, mineurs en situation de crise- peuvent prévenir l’ancrage dans la délinquance et éviter « l’escalade » vers des peines plus longues ».
-Promouvoir une individualisation des peines plus effectives notamment par la mise en place d’établissements pénitentiaires différenciés.
-Redonner un véritable contenu aux peines alternatives à l’emprisonnement par l’accroissement des contrôles et notamment la création d’une police de la probation.
Le projet de loi SURE reprenait également plusieurs de nos propositions (voir notre communiqué), de même que la proposition de loi « visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme » du député Loïc KERVRAN, permettant le prononcé d’ultra-courtes peines et supprimant l’obligation d’aménagement afin de redonner de la liberté d’appréciation au juge. Enfin, le PLF 2026 inscrivait dans son programme budgétaire la construction de prisons modulaires à la sécurité allégée et des quartiers spécifiques pour l’exécution d’ultra-courtes peines.
Par ailleurs, UNITE MAGISTRATS s’interrogeait sur la pertinence et l’efficacité de certaines peines alternatives, comme « solution miracle » à la délinquance. Or, dans son rapport d’évaluation publié le 4 mars 2025, la Cour des comptes concluait à des « résultats peu probants » sur la récidive et la réinsertion concernant le TIG, et à des résultats mitigés pour les DDSE (Détention à domicile sous surveillance électronique). Il convient donc de renforcer l’utilité et le contenu des peines alternatives, la prison devant rester une peine sanctionnant des faits graves.
Plus récemment, notre syndicat était le seul invité par la présidente de l’Assemblée Nationale comme expert à l’Assemblée des idées, le 14 octobre 2025, pour débattre sur le thème de la prison. C’est une reconnaissance de la pertinence de nos analyses et de nos propositions.
UNITE MAGISTRATS préconise depuis longtemps un changement de paradigme et de philosophie, refusant de cautionner la logique idéologique de ceux qui refusent de voir que les mêmes causes ne peuvent qu’engendrer les mêmes effets.
C’est ainsi que la qualité du travail d’analyse et de réflexion d’UNITE MAGISTRATS est de plus en plus reconnu et devra permettre d’améliorer le sens et l’efficacité de la justice pénale, tant dans l’intérêt des citoyens que des magistrats qui la pratiquent au quotidien.