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Présentation du budget de la justice pour 2023 : satisfactions et interrogations

Flash info,  Rémunération 03/10/2022

Présentation du budget de la justice pour 2023 : satisfactions et interrogations - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Le Ministre de la justice, puis le Directeur des Services Judiciaires, ont successivement présenté les 27 et 28 septembre, aux organisations syndicales représentatives, le budget prévisionnel du ministère de la justice pour l’année 2023.

Il a été fait état d’une hausse, par rapport à l’exercice précédent, de 710 millions d’euros qui porte le montant total des crédits alloués à notre ministère à 9,6 milliards d’euros. Le Ministre de la Justice a relevé, à juste titre, que cette nouvelle augmentation s’inscrivait dans une trajectoire pluriannuelle inédite.  

Ces moyens supplémentaires seront répartis de la manière suivante :

  • 3,39 milliards d’euros pour les services judiciaires (9% de hausse)
  • 3,91 milliards d’euros pour l’administration pénitentiaire (7% de hausse)
  • 917 millions d’euros pour la protection judiciaire de la jeunesse (10% de hausse)

Il faut remonter à 2003, lors de la première nomination de D.Perben pour retrouver un niveau d’investissement comparable étant relevé qu’alors le montant total des crédits alloués au ministère de la justice avaient seulement dépassé 5 milliards d’euros.

L’époque des budgets anémiques ou en dents de scie semble donc bien révolue. On ne peut que s’en réjouir et demeurer attentifs à ce que la tendance ainsi amorcée se poursuive afin de rattraper les deux décennies de retard que nous avons traversées.

Plus concrètement, ces hausses budgétaires seront affectées prioritairement au renforcement des effectifs en juridiction avec la création en 2023 de 200 postes de magistrats et 191 de greffiers. Le Directeur des Services Judiciaires nous a confirmé, pour lever toute ambiguïté à cet égard, que ces chiffres s’entendaient en solde net c’est-à-dire en sus des départs en retraite. Pour être complets, il convient de signaler que la promotion 2023 comptera 380 auditeurs de justice et qu’il est projeté de porter ce chiffre à 480 pour l’année 2024.

Par ailleurs, les moyens d’enquête et d’expertise des juridictions connaitront une hausse de 12 millions d’euros portant à 660 millions l’enveloppe des frais de justice pour l’année à venir. Reste à savoir dans quelle mesure ces crédits permettront de résorber tout ou partie du stock d’affaires en cours étant relevé que nous ne disposons pas d’une évaluation précise des besoins des juridictions.

Les investissements informatiques seront portés à 195 millions d’euros soit une hausse de 4 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent et seront consacrés à la mise en œuvre de grands projets informatiques dont PORTALIS et la Procédure Pénale Numérique (PPN). Ce chiffre, par son ampleur et son augmentation, place l’Administration devant une obligation de résultat. L’insuffisance des moyens ne saurait désormais servir d’excuse aux dysfonctionnements récurrents ou à l’obsolescence de l’outil numérique en juridiction.

Nous sommes plus circonspects à l’égard de la somme de 269 millions d’euros annoncée au titre des investissements immobiliers des juridictions dont les projets et les besoins diffèrent fortement. La lenteur des prises de décisions et de mise en œuvre impacte considérablement la réalisation de travaux dont le coût final dépasse ainsi la dépense initialement prévue.

Enfin, le Ministre de la Justice puis le Directeur des Services Judiciaires sont revenus sur l’annonce d’une augmentation de la rémunération des magistrats à hauteur de 1000 euros bruts à compter du 1er octobre 2023. S’agissant d’une moyenne, le DSJ a précisé que la fourchette se situerait entre 950 et 1200 euros. Une enveloppe de 30 millions d’euros est spécialement affectée à cette augmentation qui se traduit par une hausse de 16% de la masse salariale des magistrats sur un an.

UNITÉ MAGISTRATS qui avait tout particulièrement attiré l’attention du Ministre de la Justice sur l’urgence à revaloriser la rémunération des magistrats lors de notre rencontre bilatérale en juillet dernier, se félicite de cette annonce. Cette somme qui sera versée mensuellement à chaque magistrat compensera pour l’essentiel la perte de 23% de notre pouvoir d’achat au cours des 20 dernières années. Si nous n’avons pas la prétention d’affirmer que nos seuls arguments ont suffi pour emporter la conviction du Ministre de la Justice, nous pouvons, à tout le moins, saluer le retour d’un dialogue social constructif et fructueux.

A la différence de ceux pour qui cette augmentation n’est pas « une priorité » et auxquels nous laissons assumer la responsabilité de leurs déclarations, UNITÉ MAGISTRATS considère que cette revalorisation est pleinement justifiée par le décalage entre notre niveau de rétribution et celui des magistrats administratifs. Cet écart de 20% ne tient aucun compte de notre niveau de qualification, de nos responsabilités et de notre investissement individuel. 

Mais notre satisfaction doit être nuancée par les modalités de versement de cette somme de 1000 euros qui se fera sous forme indemnitaire et viendra s’ajouter ou majorer les nombreuses primes que nous percevons et qui constituent déjà une part excessive de notre rémunération. A ce titre, UNITÉ MAGISTRATS rappelle avoir toujours réclamé une revalorisation du point d’indice et non une revalorisation indemnitaire qui n'est pas prise en compte dans le calcul de nos retraites.

A ce jour aucune décision n’a été prise par la Chancellerie sur la ventilation de cette augmentation entre les primes et indemnités que nous percevons. UNITÉ MAGISTRATS prendra une part active aux négociations à venir sur cette question et qui se dérouleront sous forme bilatérale avec le Cabinet du Ministre de la Justice et trilatérale avec la DSJ.

Une première difficulté à résoudre, et non des moindres, tient à l’existence même de la prime modulable dont le montant laissé à la discrétion des chefs de cours impacterait fortement la revalorisation voulue par le Ministre de la Justice. La revendication portée depuis 2011 par UNITÉ MAGISTRATS d’une suppression de la prime modulable et de son intégration dans le traitement par une majoration de 12% de celui-ci apparaît plus que jamais d’actualité. Relevons au passage que l’USM vient de découvrir soudainement les risques d’atteinte à l’indépendance du corps constitués par la prime modulable. Nous constatons avec satisfaction que nos moyens soulevés devant le Conseil d’État en vue d’obtenir l’annulation de cette prime il y a plus de 10 ans, emportent désormais l’adhésion de nos collègues.

Tout un chacun a parfaitement conscience que les problèmes et dysfonctionnements structurels auxquels nous sommes confrontés chaque jour en juridiction ne se résoudront pas par cette seule augmentation des moyens. Le chemin reste encore long pour y parvenir mais pour la première fois depuis bien longtemps, la Chancellerie n’oppose pas aux doléances et revendications des organisations syndicales représentatives une fin de non-recevoir ou au mieux un discours lénifiant. Les mesures annoncées traduisent en actes une prise de conscience de la gravité de la situation et une volonté affirmée d’y remédier. La vigilance reste de mise pour que soient privilégiés les choix stratégiques prioritaires et refondateurs sans lesquels ces efforts budgétaires n’atteindront pas leur objectif. UNITÉ MAGISTRATS veillera tout particulièrement à ce que les indispensables réformes fonctionnelles aillent de pair avec les réformes institutionnelles qui donneront aux magistrats judiciaires la place qui est la leur dans un état démocratique.

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