Déclaration de politique générale du Premier ministre Ce n’est pas avoir tort que d’avoir raison trop tôt
DECLARATION DE POLITIQUE GENERALE DU PREMIER MINISTRE : CE N’EST PAS AVOIR TORT QUE D’AVOIR RAISON TROP TOT
UNITE MAGISTRATS, organisation syndicale résolument apolitique qui ne cautionne aucune idéologie et, à la différence de certains, ne donne jamais la moindre consigne de vote, n’a pas à décerner de brevet de bonne ou mauvaise conduite à un quelconque gouvernement. A l’inverse, il nous revient d’analyser et de mesurer les conséquences de choix politiques qui engagent l’institution judiciaire dans son fonctionnement, l’exercice de sa mission de service public et l’image qu’elle renvoie dans l’opinion.
C’est dans cette perspective que nous avons examiné le discours de politique générale prononcé par le Premier Ministre devant la représentation nationale le 1er octobre.
Nous relevons tout d’abord que la sécurité des citoyens -à laquelle l’institution judiciaire concourt- figure en bonne place au nombre des priorités du nouveau gouvernement. Nous ne pouvons que nous en réjouir tant notre crainte est grande de voir la trajectoire de hausse des crédits dont nous bénéficions depuis plusieurs années brusquement interrompue. Les budgets faméliques, si emblématiques de l’animosité de toute une classe politique à l’égard des magistrats, sont encore dans toutes les mémoires. Certes, à ce jour, nous ne connaissons pas les détails de la loi de finances qui sera prochainement débattue au Parlement. Mais il est difficilement imaginable de faire de la sécurité et de la justice des priorités en rabotant les moyens nécessaires pour y parvenir.
Si l’on reprend plus en détail les principaux axes de la politique judiciaire que le gouvernement entend mener, UNITE MAGISTRATS constate que la pertinence de nos propositions et revendications semble avoir emporté la conviction du Premier Ministre.
Ainsi, nous notons avec satisfaction que seront rectifiés les errements du Code de la justice pénale des mineurs. Seule notre organisation avait dénoncé, en son temps, les dangers de l’opposition stérile et contre-productive entre l’éducatif et le répressif et l’absurdité de la césure pénale. Le remède miracle a fait long feu. Le sentiment d’impunité a atteint un tel degré parmi les mineurs délinquants que rien ne semble arrêter aujourd’hui des passages à l’acte chaque jour plus nombreux et plus violents.
UNITE MAGISTRATS participera activement aux discussions, auditions et groupes de travail qui seront prochainement mis en place notamment sur les questions de la création d’une procédure s’apparentant à une comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans et sur la redéfinition du périmètre de l’excuse atténuante de responsabilité.
Quant à l’exécution des peines dont l’architecture actuelle doit être entièrement repensée au regard de l’inefficacité de la réponse pénale face à l’explosion de toutes les formes de délinquance, y compris organisée, nous nous réjouissons de constater que le Premier Ministre partage, là encore, notre proposition d’ultra courtes peines d’emprisonnement pouvant être immédiatement prononcées et exécutées[1]. UNITE MAGISTRATS considère en effet que pour prévenir l’installation dans un parcours délinquantiel une brève incarcération produira plus d’effets que l’empilement de sursis ou de mesures alternatives inefficaces.
Dans le même ordre d’idées, le recouvrement des amendes dont le faible taux actuel rend quasiment inutile le prononcé va dans le sens d’une restauration de la crédibilité de la sanction que nous approuvons.
Enfin, alors que les nouvelles places de prison récemment construites ou en cours de construction restent manifestement insuffisantes au regard des besoins, nous relevons la volonté du Premier Ministre de poursuivre cette trajectoire en évoquant notamment des établissements différenciés en fonction des profils des condamnés. UNITE MAGISTRATS, qui s’est toujours élevé avec la plus grande fermeté contre la tentation de conditionner les décisions d’incarcération aux capacités d’accueil des établissements pénitentiaires[2] approuve cette orientation. Seul un programme ambitieux doté des crédits adéquats permettra de répondre au double impératif de remédier à l’insécurité tout en garantissant des conditions d’incarcération conformes au respect de la dignité humaine. Rappelons, à cet égard, que l’encellulement individuel est inscrit dans notre droit depuis 1875, et n’est toujours pas appliqué ni applicable…
UNITE MAGISTRATS restera bien évidemment particulièrement attentif à ce que le projet gouvernemental pour la justice n’en reste pas au stade de la déclaration d’intention.
Nous n’ignorons pas que le rapport de forces inédit au Parlement rend la tâche ardue.
Mais cette situation ne saurait servir de justificatif, comme trop souvent par le passé, à l’inaction politique. Notre syndicat sera très prochainement reçu par le Garde des Sceaux et lui fera part de ses analyses et propositions concrètes pour décliner les orientations retenues.
[1] Notre syndicat propose la création d’ultra courtes peines de 7 à 14 jours prononçables dès la commission de premiers faits d’atteinte à l’intégrité des personnes.
2 Cf notre colloque sur la prison : « La prison libère-t-elle ? » dans lequel nous développons nos propositions.