DELINQUANCE DES MINEURS : L’URGENCE D’UNE REFORME A LA HAUTEUR DES ENJEUX
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DELINQUANCE DES MINEURS : L’URGENCE D’UNE REFORME A LA HAUTEUR DES ENJEUX
L’actualité confirme à nouveau l’insuffisance de notre système judiciaire pénal pour faire face à la délinquance des mineurs ultra-violents. Ainsi le meurtre du jeune Elias, 14 ans, poignardé à mort le 25 janvier 2025 pour le simple vol de son téléphone portable par deux adolescents bien connus des services de police et déjà suivis par la justice pour des faits graves, doit nous interroger sur les choix qui ont été à l’origine de la création du CJPM et que nous avions dénoncés.
Cette critique est d’autant plus légitime que les derniers chiffres attestent d’une augmentation importante de la délinquance des mineurs : selon les chiffres de la Préfecture de police de Paris, 43 % des home-jackings commis en 2023 étaient commis par des mineurs (alors qu’ils ne représentent qu’environ 20 % de la population). La moitié des agressions sexuelles et viols sur mineurs est commis par d’autres mineurs, selon les chiffres du Ministère de la justice. En 2023, 19 % des mis en cause pour trafic de stupéfiants étaient mineurs, selon les statistiques du Ministère de l’intérieur.
Si certains persistent dans le déni en écartant tout lien de causalité entre notre système pénal et cette augmentation de l’ultra-violence chez certains mineurs, notre syndicat considère au contraire que le droit pénal des mineurs issu du CJPM ne permet pas d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux.
Pire, cette réforme, comme nous l’avions souligné à l’époque, a supprimé pour le juge des moyens de juger rapidement et efficacement (en supprimant la « PIM » ou Procédure de présentation Immédiate). Le CJPM a eu également pour conséquence de rendre plus difficile le placement en détention provisoire des mineurs, notamment ceux âgés de moins de 16 ans, pour des faits délictuels graves, et de complexifier les procédures de jugement rapide, pourtant nécessaires à l’égard des profils réitérant et dangereux.
UNITE MAGISTRATS estime qu’une politique pénale efficace est possible, tout en respectant nos principes fondamentaux applicables à la justice des mineurs, auxquels notre Syndicat reste particulièrement attaché.
Notre syndicat préconise depuis les chantiers de la justice de Nicole Belloubet, une refonte de notre droit pénal des mineurs, sans idéologie mais avec des propositions concrètes fondées sur une analyse des réalités criminelles de la délinquance juvénile qui prend des formes contemporaines avec un rajeunissement de la violence, une utilisation fréquente des armes blanches, une addiction inquiétante aux drogues, une déstructuration forte des familles, une exposition précoce à la pornographie et une prise en charge sanitaire et en assistance éducative souvent très défaillante. A ce titre notre syndicat regrette l’absence d’investissement d’études sociologiques et criminologiques permettant d’avoir un état des lieux scientifique et objectivé[1].
La Proposition de Loi dite « Attal » déposée le 15 octobre 2024, reprenait deux de nos propositions, pour juger plus rapidement et efficacement les mineurs et pour rendre obligatoire la motivation d’atténuation de responsabilité.
Néanmoins la rédaction de ces deux propositions était telle qu’elle les vidait de son efficacité réelle. (Voir notre précédent communiqué).
La PPL revient à l’Assemblée nationale en séance publique le 12 février 2025 après que la commission des lois en novembre 2024 ait supprimé ces deux articles. De nombreux députés ont déposé des amendements visant notamment à les réintroduire et il y aura donc à nouveau un débat.
Notre syndicat préconise de créer une « procédure de comparution rapide » (ou PCR), selon le modèle de la comparution immédiate, compatible avec le principe de spécialisation de la justice pénale des mineurs, tant dans sa composition identique à celle des Tribunaux pour enfants, que dans ses conditions restrictives[2].
Nous proposons par ailleurs qu’à partir de 16 ans, pour tous les crimes et les délits dont le quantum encouru est supérieur à 5 ans, une obligation de motivation spéciale s’impose au juge pour appliquer l’atténuation de la peine.
UNITE MAGISTRATS, pour redonner de la liberté au juge des enfants et améliorer la rapidité des jugements, préconise de donner la possibilité au magistrat de prononcer des ultra-courtes peines de prison (moins d’un mois) y compris dans le cadre de la « procédure de comparution rapide ». Cette sanction très courte et non désocialisante permettrait d’adresser un signal fort pour des faits d’une certaine gravité et de prévenir un ancrage dans la délinquance.
Notre syndicat propose également :
-De prévoir que la césure du procès pénal ne soit plus le principe, mais l’exception. Notre syndicat considère que la procédure de l’audience unique doit être la norme, la césure devant être réservée à quelques cas exceptionnels. Le principe d’une condamnation intervenant de longs mois (6 à 9 mois) après une décision de culpabilité est beaucoup trop tardive pour avoir du sens et un effet pédagogique pour une majorité de mineurs qui ne comprennent pas cette césure, et souvent réitèrent pendant ce temps de probation. De plus, cette procédure entraîne un doublement des audiences et de temps de travail pour les juges des enfants et les greffiers.
-De faciliter la possibilité d’incarcérer les mineurs de 13 à 16 ans pour les délits graves[3] : les conditions d’incarcération des mineurs de moins de 16 ans sont devenues trop restrictives avec le CJPM, et rendent quasiment impossible leur placement en détention provisoire y compris lorsqu’ils sont réitérant et commettent des faits graves. Cela contribue à alimenter chez ces mineurs un sentiment d’impunité voire de toute puissance, telle que le rapporte le pédopsychiatre Maurice Berger dans son dernier livre[4]. UNITE MAGISTRATS propose donc d’assouplir ces conditions et notamment de supprimer le placement préalable obligatoire dans un CEF, rendu souvent impossible par manque de places.
UNITE MAGISTRATS restera engagé et attentif sur la suite des débats parlementaires, soucieux d’améliorer notre justice pénale des mineurs dans le respect des droits fondamentaux des mineurs.
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[1] Notre communiqué en date du 10 mai 2024 : « Justice des mineurs : le double enjeu de la fermeté et de la protection ».
2 Cette procédure pourrait être prévue pour les plus de 16 ans, connus de la justice car ayant déjà fait l’objet d’une mesure judiciaire pré-sententielle ou d’un jugement de condamnation, pour les délits dont la peine encourue serait de 3 ans en flagrance et 5 ans en préliminaire, et a minima d’un RRSE effectué dans le cadre du défèrement et d’un rapport éducatif antérieur.
3 Le quantum minimum de peine d’emprisonnement encouru pourrait être fixé à 5 ans
4« Mineurs violents, Etat inconsistant » paru en janvier 2025 aux éditions l’Artilleur.