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Unité Magistrats FO

Réforme du Code de procédure pénale : Un projet qui n’est pas à la hauteur des enjeux !

Réformes pénales 14/02/2023

Réforme du Code de procédure pénale : Un projet qui n’est pas à la hauteur des enjeux ! - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

UNITÉ MAGISTRATS a été entendu le 3 février 2023 sur les mesures envisagées de réforme du Code de procédure pénale, mesures décrites dans le projet à l’intitulé trompeur « Dispositions portant simplification et modernisation de la procédure pénale ».

De prime abord, notre syndicat a été surpris de constater le caractère peu ambitieux du projet prévoyant d’une part, une recodification « à droit constant » par habilitation pour deux ans (article 38 de la Constitution) et d’autre part, 7 mesures seulement pour « améliorer le déroulé de la procédure pénale » alors que de très nombreuses propositions avaient été faites.

Si notre syndicat avait porté un projet ambitieux à l’occasion des États Généraux (voir notre contribution « Simplification de la justice pénale : constats et propositions) pour permettre de résorber en partie les difficultés pointées tant sur la complexité que la cohérence de la procédure pénale et donc sur son efficacité, nous relevons que ce projet « peau de chagrin » se caractérise par :

-  une absence de vision d’ensemble, portée par des principes directeurs clairs et cohérents.

- un défaut de méthodologie, et de contextualisation des enjeux criminels et des nouvelles menaces faute d’étude criminologique approfondie.

Tant que nous continuerons à réformer notre procédure et notre Code pénal sans adopter une vision stratégique, nous ne pourrons lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité organisées.

UNITÉ MAGISTRATS déplore d’autant plus cette absence d’ambition que les statistiques les plus récentes font état d’une augmentation croissante et significative de la délinquance qui doit légitimement interroger nos réponses et leur efficacité. (Source : Insécurité et délinquance en 2022 : une première photographie - Interstats Analyse N°54)

Quand la simplification annoncée se transforme en complexité et en charges croissantes !

Alors que le bilan des États Généraux préconisait dans son rapport que « la réécriture du Code de procédure pénale devait s’articuler autour d’une clarification des règles et des rôles respectifs des acteurs de la chaîne pénale », le projet de réforme propose exactement le contraire : plus de complexité, avec une extension des cadres d’enquête au profit du Parquet et une surcharge de travail générale, notamment pour les JLD.

Avec un tel projet, il est quasi certain qu’aucune réponse ne pourra être apportée aux enjeux décrits dans le rapport Sauvé.

Ainsi les mesures proposées :

- En « renforçant » le statut du témoin assisté, vont entraîner une multitude de requêtes et recours potentiels qui s’ajouteront à la charge de travail des juges d’instruction et des chambres de l’instruction, déjà saturées, et auront pour conséquence inéluctable d’allonger encore les délais d’instruction notamment dans les procédures les plus complexes des pôles spécialisés.

- En créant la mise en place « d’ARSE conditionnelles », vont multiplier par deux les audiences devant le juge des libertés et de la détention, au risque de provoquer des remises en liberté « sèches » sans pouvoir mettre sous contrôle judiciaire en cas d’infaisabilité technique. Sur le plan des principes et du sens, cette nouvelle disposition consiste à ordonner une mesure dont on ne connaît pas la faisabilité, ajoutant de la complexité, de l’imprévisibilité et de l’insécurité juridique.

- En entendant multiplier les placements sous ARSE en lieu et place des placements en détention provisoire, vont transformer les juges d’instruction en surveillants, puisqu’il leur appartiendra de réceptionner et de traiter tous les incidents d’horaires de leurs mis en examen placés sous ARSE.

- Enfin, en modifiant la cadre et le champ de compétence de la comparution à délai différé, vont créer un cadre d’enquête hybride au lieu de simplifier ceux existants. En effet, cette nouvelle procédure donne la possibilité au Parquet de poursuivre l’enquête pendant 4 mois y compris avec des mesures de sûreté et saisine du juge des libertés et de la détention.

Notre syndicat a interrogé la DACG sur les droits de la défense et le principe du contradictoire :

  • Quel serait le droit d’accès aux nouvelles pièces pour le prévenu éventuellement en détention provisoire et son conseil ?
  • Quelles seraient les possibilités de demandes d’actes ?
  • Que se passerait-il si comme le prévoit le nouveau texte, le Procureur décide finalement de « se désister » des poursuites, après que le prévenu a été placé en détention provisoire ou astreint à un contrôle judiciaire strict ?

UNITÉ MAGISTRATS constate avec consternation qu’avec cette nouvelle disposition, la Chancellerie envisage d’aller exactement à l’encontre des préconisations issues du rapport des États généraux qui indiquaient : « Dans l’hypothèse retenue du maintien du juge d’instruction, le comité estime peu souhaitable la création d’une nouvelle procédure intermédiaire, dite de comparution en vue d’une enquête complémentaire, qui risque de complexifier les cadres juridiques existants ». Or c’est exactement ce que propose le nouveau texte !

Un JLD corvéable à merci jour et nuit !

Si UNITÉ MAGISTRATS n’a pas d’opposition de principe pour élargir les conditions de perquisition de nuit en cas d’atteintes aux personnes pour les crimes de droit commun, notre syndicat a alerté sur la charge de travail significative que cela entraînera pour les juges des libertés et de la détention, déjà exsangues.

De plus, il est prévu de transférer toutes les demandes de modifications de contrôle judiciaire de la juridiction de jugement au juge des libertés et de la détention, ce qui sur le principe semble intéressant mais impossible au regard des effectifs actuels sur le terrain.

En effet, la situation actuelle des services des JLD dans les juridictions reste très dégradée et ce d’autant que l’impératif du grade de vice-président pour exercer cette fonction ne facilite pas l’organisation des tribunaux. Outre une étude d’impact évidemment nécessaire, la question des effectifs voire d’une réorganisation se pose à nouveau.

Les victimes davantage prises en compte mais des attentes qui demeurent !

UNITÉ MAGISTRATS ne peut que louer la volonté d’élargir les droits pour les victimes à l’indemnisation devant la CIVI. Cependant, notre syndicat s’étonne du choix de certaines infractions et de l’absence de cohérence dans cet élargissement et dans les conditions d’accès. Pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique et envisager une indemnisation systématique quelle que soit l’infraction subie ? Pourquoi par exemple, prévoir que les délits de chantage et abus de faiblesse seront indemnisés (sous condition de ressources) mais pas ceux d’escroqueries ou de vols ?

Notre syndicat déplore par ailleurs, que les voies de recouvrement de fonds susceptibles d’alimenter la CIVI ne soient pas suffisamment explorées et estime nécessaire notamment, de remédier à l’insuffisance des moyens déployés pour recouvrir les amendes dont un trop grand nombre reste impayé.

Une fois encore la Chancellerie a privilégié la précipitation à la réflexion pour rédiger un projet aussi décevant qu’inabouti.

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