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Unité Magistrats FO

Isolement et contention : quand la DSJ mange son chapeau

Réformes pénales 28/02/2022

Isolement et contention : quand la DSJ mange son chapeau - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Par une déclaration d’inconstitutionnalité du 19 juin 2020, le Conseil Constitutionnel a imposé que les mesures d’isolement et de contention en matière d’hospitalisation sans consentement fassent l’objet d’un contrôle systématique par l’autorité judiciaire.

Malgré le fait que le syndicat UNITÉ MAGISTRATS ait plusieurs fois alerté la Chancellerie sur le caractère systématique du contrôle, le législateur, adoptant la position de celle-ci, a voté une loi inconstitutionnelle prévoyant initialement un contrôle ponctuel. De manière prévisible, une seconde censure de la part du Conseil Constitutionnel est intervenue. Par la suite, une troisième censure a sanctionné l’utilisation de la technique du « cavalier législatif ».

Cet improbable feuilleton aurait pu divertir si les enjeux n’étaient pas si élevés.

Les mesures d’isolement et de contention concernent des personnes susceptibles de passage à l’acte auto-agressifs et hétéro-agressifs, et dès lors il est crucial que le régime juridique soit tout à la fois protecteur des libertés individuelles de la personne, tout en assurant la sécurité des tiers. La conséquence du chaos juridique engendré par ces carences institutionnelles a été l’illégalité de l’ensemble des mesures d’isolement et de contention prises entre le 1er et le 22 janvier 2022.

Or, il ne peut qu’être constaté que la Chancellerie ne s’est pas montrée meilleure en pratique qu’en légistique.

Elle avait en effet initialement évalué la charge de travail pour les JLD à 22 ETP pour un contrôle ponctuel, avant de contredire ses propres estimations en considérant de manière parfaitement illogique qu'un contrôle systématique demanderait moins de moyens, soit 20 ETP. Cette valse-hésitation s’est poursuivie jusqu’en janvier 2022 où il était annoncé un quantum estimé à 24,9 ETP selon une méthodologie qui ne nous a jamais été communiquée, malgré nos demandes.

Nous avons, à maintes reprises, souligné auprès de la DSJ que ces chiffres contradictoires étaient largement sous-évalués au regard du nombre des mesures susceptibles d'être concernées. Nous avons attiré son attention sur l'impact considérable de cette réforme sur la charge de travail des juges des libertés et de la détention, lesquels doivent déjà gérer les contraintes de la permanence pénale. Rappelons qu’il va désormais leur être demandé de se rendre dans des établissements parfois distants de plus d'une heure de route du tribunal, par tout temps, en plus de leurs attributions initiales.

Il nous était jusqu'alors répondu que les chiffres communiqués par le Ministère de la Santé démontraient un « faible impact » sur les permanences du week-end. La Chancellerie soutenait également, avec une belle constance, que l'impact sur la charge de travail en semaine de la quasi-totalité des tribunaux devait être « résiduelle »...

C'est, dès lors, sans grande surprise que nous avons pu voir le directeur de la DSJ manger son chapeau au cours du Comité Technique du 23 février 2022 en commençant par abandonner le pur langage comptable des ETPT pour évoquer les remontées concrètes du terrain.

Les premiers retours des juridictions – alors même que la loi nouvelle n’est pas encore pleinement entrée en vigueur en l’absence de décret d’application – font en effet état d’une situation alarmante, créatrice d’une urgence civile permanente venant s’ajouter à l’urgence pénale et impactant significativement tant la charge de travail hebdomadaire que les permanences de week-end.

Au cours de cette réunion, la Chancellerie a publiquement reconnu non seulement avoir fait fausse route et avoir basé l'ensemble de ses estimations sur des chiffres erronés mais aussi être dans l’incapacité d’évaluer les effectifs nécessaires à la mise en œuvre de cette nouvelle loi. Il y a fort à parier que cette réforme qui n’a fait l’objet d’aucune anticipation se fera, comme à l’accoutumée, à effectifs et moyens constants.

Chacun pourra mesurer, une fois encore, le peu de crédit à apporter aux annonces triomphalistes du Ministre de la Justice.

Prenant très tardivement la mesure d’une situation sur laquelle notre organisation professionnelle l’avait pourtant alertée depuis des mois, la DSJ a pris l’engagement de faire en sorte que ce nouveau contrôle n’embolise pas l’activité des juridictions sans donner la moindre précision sur les dispositions qui seront prises à cet effet.

UNITÉ MAGISTRATS se montrera particulièrement vigilant à ce que cet engagement soit tenu. Les JLD doivent pouvoir disposer des moyens nécessaires pour remplir la totalité de leurs missions et mettre en œuvre ce nouveau contrôle prévu par la loi. D’ores et déjà les tâches annexes confiées aux JLD en plus de leur service devront être nécessairement complètement repensées par les présidents de juridiction.

 

 

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