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États Généraux : Auditions Comité SAUVÉ - Quelles priorités pour refonder la Justice ?

Etats Généraux 24/01/2022

États Généraux : Auditions Comité SAUVÉ - Quelles priorités pour refonder la Justice ? - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

Réclamés depuis plus de trois ans par notre organisation, la tenue des États Généraux de la Justice ne pouvaient que nous satisfaire même si le format et la méthodologie retenus appellent, de notre part, des réserves ou des critiques. Nul besoin donc, de se livrer à des acrobaties intellectuelles pour expliquer le positionnement, l’implication et les revendications d’UNITÉ MAGISTRATSvis-à-vis des États Généraux. Nous laissons cet exercice à ceux qui, après avoir clamé haut et fort leur refus de participer aux groupes de travail, se sont empressés de se rendre aux convocations du Comité présidé par Jean-Marc SAUVÉ… Les ors de la République ont manifestement conservé leur pouvoir de fascination…

Mise à part la question du calendrier ou celle du risque de dévoiement électoraliste que nous avons déjà eu l’occasion de dénoncer (communiqué États Généraux : mystification ou révolution ?), restent en suspens l’opacité de la désignation des membres des instances constitutives des États Générauxdont les organisations syndicales de magistrats ont soigneusement été écartées et l’articulation entre les travaux menés et ceux du Comité SAUVÉ.

A l’heure actuelle, il apparaît que chacun, pour faire la preuve de son indépendance (sic !?) entend mener ses réflexions en silo. Mieux encore, Il ne semble pas que le Comité soit doté d’un pouvoir d’arbitrage quelconque. Dans ces conditions, les solutions à la crise de l’institution judiciaire risquent fort d’être décalées par rapport aux réalités du terrain, limitées ou parcellaires.

Pour autant, UNITÉ MAGISTRATSentend profiter de ce cadre, même imparfait, pour porter un projet de refondation de l’institution judiciaire tout à la fois audacieux, novateur et réaliste sans a priori idéologique ni souci de ménager les susceptibilités des uns ou des autres.

C’est dans cet esprit que nous avons abordé les deux auditions qui se sont déroulées les 6 et 10 janvier 2022 devant le Comité présidé par Jean-Marc SAUVÉ et qui ont été consacrées, pour la première aux questions institutionnelles, et pour la seconde, aux contentieux civil, pénal, économique…

 

Sur les réformes institutionnelles à mener

Pour UNITÉ MAGISTRATS, ces réformes sont prioritaires et passent avant l’indispensable augmentation des moyens. Inverser les questions ne peut que conduire à l’échec. Ce sont les réformes institutionnelles qui doivent conditionner les moyens et non l’inverse… sauf à vouloir se satisfaire de microscopiques changements auxquels seront alloués à proportion des budgets squelettiques et des effectifs transparents.

Nos propositions de réforme de l’institution judiciaire passent par trois axes :

voir notre note ici)

● Un renforcement du statut des magistrats du Parquet

Pour répondre à l’exigence démocratique légitimement réclamée par nos concitoyens, de nouvelles garanties devront être reconnues aux magistrats du Paquet en termes d’inamovibilité et d’indépendance à l’égard du Ministre de la Justice.

● Une réforme du CSM

Il n’est plus acceptable que l’organe chargé de la nomination des magistrats se perpétue dans son actuelle composition et désignation. UNITÉ MAGISTRATS appelle à la création d’un « Conseil Supérieur de la Justice » démocratiquement élu et totalement indépendant du pouvoir en place.

● La création d’une École de la Haute Fonction Publique

Défendue par notre organisation depuis notre audition par la Commission THIRIEZ, cette École dont l’accès se ferait exclusivement sur concours au terme d’une dizaine d’années de pratique professionnelle, permettrait d’accéder aux fonctions de responsabilités et de direction offertes dans l’ensemble des ministères et bien évidemment au Ministère de la Justice.

► L’organisation interne et le fonctionnement des juridictionsdoivent également être remises à plat. Pour remédier à un archaïsme qui impacte profondément l’efficience du travail judiciaire, nous préconisons : (voir notre note ici)

● Le renforcement du dialogue social en juridiction notamment par l’intermédiaire des Assemblées Générales qui se verraient doter d’un pouvoir décisionnel en matière de gestion des contentieux ou d’affectation des magistrats dans tel ou tel service.

● La constitution d’une véritable équipe pérenne autour du magistrat par le recrutement d’un corps intermédiaire de fonctionnaires spécialement dédiés à cette mission et recrutés par voie de concours interne et externe.

● La redéfinition pragmatique d’une cartographie judiciaire se fondant sur un état des lieux objectif du fonctionnement et des résultats des juridictions. Puis, dans un second temps, rapprocher la carte judiciaire de la carte de la population française et retenir comme base de calcul pour les effectifs à affecter en juridiction, la moyenne européenne du nombre de magistrats pour 100 000 habitants.

 

► Sur les réformes des contentieux techniques

La mission impartie au Comité en ce domaine apparaît d’autant plus titanesque, voire improbable, que le temps consacré à l’audition des organisations syndicales de magistrats n’a pas excédé une demi-journée et nos prises de parole respectives quelques dizaines de minutes par question.

Cette difficulté aurait pu être levée si tous les groupes de travail, spécialement constitués pour donner un avis sur chacun des contentieux, avaient au préalable, recueilli les observations des syndicats. Nous déplorons que seuls deux d’entre eux aient estimé utile de prévoir ce temps d’échange qui s’est révélé particulièrement riche et constructif.

 UNITÉ MAGISTRATS a cependant tenu à relever le défi tout en précisant que nos interventions n’avaient, dans ce cadre contraint, pas vocation à l’exhaustivité. Notre objectif a été sur chacun des sujets examinés, de prioriser une ou plusieurs propositions de réforme dont la mise en œuvre nous paraît de nature à apporter une amélioration immédiate au contentieux concerné. Pour autant, nous ne nous sommes pas cantonnés à des modifications de détail sans efficacité sur un existant structurellement défaillant. Les changements que nous préconisons doivent servir, par leur positionnement et leur niveau de réponse, de leviers à une redéfinition du traitement des contentieux.

► Sur les contentieux civils

  • UNITÉ MAGISTRATS souligne que malgré une croissance exponentielle des affaires traitées annuellement qui s’élèvent aujourd’hui à plus de 2,3 millions, la justice civile sert de variable d’ajustement et les magistrats auxquels elle est dévolue, ont vu leurs tâches s’alourdir au fil des ans. C’est aujourd’hui une véritable refondation de la justice civile qu’il faut entreprendre. La déjudiciarisation de pans entiers de contentieux par manque de moyens et de vision à long terme doit être dénoncée pour ce qu’elle est : un aveu d’indigence et une solution de facilité.

  • UNITÉ MAGISTRATS propose, au contraire, de remplacer la justice à deux vitesses qui se met en place actuellement par une justice à deux niveaux qui garantira à chacun le droit à voir trancher son litige avec indépendance et célérité. Sous peine de continuer à être submergé par un contentieux de masse sans cesse grandissant, une distinction doit être opérée entre les affaires à haute intensité auxquelles doit être apportée une réponse technique approfondie, de celles dont la simplicité relève avant tout de l’équité. Si la possibilité de recourir à des juges de paix non professionnels mais intervenant sous le contrôle étroit du Ministère de la justice, peut être envisagée sans tabou, c’est surtout l’approche du traitement du litige hors du champ contentieux qui doit être privilégiée.

  • Le recours aux MARD (voir notre note iciest aujourd’hui mis en avant par le Ministère de la justice uniquement en termes d’affichage. Sans objectifs, sans moyens dédiés, sans le moindre outil statistique opérationnel, ce mode de règlement des litiges qui recueille une large adhésion de nos concitoyens, ne remplit pas pleinement sa mission. Sa structuration en juridiction est non seulement une nécessité mais une priorité.

  • Une remise à plat de la mise en état s’impose avec la même urgence pour rationaliser la gestion des flux et donner aux débats un contenu de qualité. L’office et les pouvoirs du magistrat chargé de la mise en état doivent être redéfinis dans le sens d’une directivité accrue.

► Sur la procédure pénale

  • UNITÉ MAGISTRATS fait le constat que la multiplication des textes, prétendument destinés à « simplifier » la procédure, ont eu pour seul résultat de la rendre illisible. Cette réforme permanente est la démonstration d’un échec permanent.

  • UNITÉ MAGISTRATS relève qu’il est désormais impossible de faire l’économie d’une refondation de la procédure pénale. La mainmise du Parquet sur les poursuites et les enquêtes a totalement déséquilibré notre système devenu tout à la fois incohérent et attentatoire aux libertés individuelles. Si les actes des juges d’instruction sont de plus en plus étroitement encadrés par une multitude de recours ouverts aux parties, les enquêtes menées par les Parquets n’offrent aucune garantie en termes de respect du contradictoire, de contrôle de la régularité des actes ou de vérification des charges avant renvoi en jugement.

● Parallèlement, le JLD ne dispose ni du statut ni des attributions ni des moyens à la hauteur de sa mission rendue de moins en moins lisible par l’élargissement constant de son périmètre d’intervention. (voir notre note ici)

  • UNITÉ MAGISTRATS propose de refonder la procédure pénale autour de trois piliers (voir notre note ici) :

- retirer au Ministère Public ses pouvoirs d’enquête et le recentrer sur sa mission de défenseur de la société

- faire disparaître la distinction entre l’enquête préliminaire et l’enquête de flagrance au profit d’un cadre uniforme placé sous l’autorité d’une Chambre des enquêtes collégiale

- créer dans chaque juridiction une Chambre des libertés, elle aussi collégiale, aux fonctions et compétences étendues

 

 Sur la justice de protection

● Pour UNITÉ MAGISTRATS, si l’on tire le bilan des lois de décentralisation et des réformes visant à la déjudiciarisation de la justice des mineurs, les résultats ne sont pas ceux qui étaient escomptés. Entre 70 et 80 % des mesures restent judiciaires. Les départements, loin d’avoir pris le relais, sont plus que jamais demandeurs de l’intervention du juge. Il n’est donc pas surprenant que le système de protection de l’enfance soit arrivé à saturation. Aujourd’hui, les mesures d’assistance éducative sont mises en œuvre près de 8 mois après leur notification et les décisions pénales dans un délai de 6 mois. La question de la gouvernance défaillante des départements et celle de l’indigence des moyens affectés au traitement du contentieux pénal doivent être posées. L’État ne peut continuer à esquiver ses responsabilités à l’égard des mineurs en danger.

● Au premier rang des priorités se place, dans cette perspective, la prise en charge des mineurs non accompagnésUNITÉ MAGISTRATS considère, à cet égard que la détermination de la minorité est essentielle sous peine de voir s’effondrer à plus ou moins long terme, l’ensemble du dispositif de protection de l’enfance. Tant l’inadéquation de la réponse pénale à la délinquance des mineurs non accompagnés que le financement exponentiel des hébergements appellent des décisions urgentes.

Pour remédier à cette situation, UNITÉ MAGISTRATS fait 6 propositions (voir notre note ici) qui visent à redéfinir l’approche juridique, organisationnelle, financière et migratoire de la question.

  • Le cyberharcèlement, et tout particulièrement, celui des mineurs est devenu un phénomène sociétal dont l’ampleur grandissante est sous-estimée par l’institution judiciaire. La surcapacité du Ministère de la Justice à réagir aux faits de cyberharcèlement médiatisés dissimule en réalité une sous-capacité structurelle de moyens et un arsenal législatif totalement inadapté. (voir notre note ici)

  • UNITÉ MAGISTRATS a voulu que les États Généraux soient aussi l’occasion de se pencher sur le régime juridique de l’hospitalisation sans consentement. Les malades qui y sont soumis relèvent, bien évidemment, de la justice de protection. UNITÉ MAGISTRATSs’interroge sur l’office du juge en la matière. Nous formulons deux séries de propositions d’une part dans le cadre d’un contrôle d’opportunité et d’autre part dans celui d’un contrôle de légalité. (voir notre note ici)

► Sur la justice pénitentiaire

L’intitulé pour le moins obscur ou approximatif, sur le plan conceptuel de la question, permet toutefois d’examiner deux sujets distincts mais complémentaires :

  • L’office du JAP mérite une redéfinition du sens de sa mission et de son périmètre d’intervention. UNITÉ MAGISTRATS s’élève contre l’évolution législative qui a transformé le Juge de l’application des peines en Juge de l’aménagement de la peine. En l’absence de moyens permettant l’exécution effective et dans un délai rapide des décisions prises par les juridictions de jugement, il a été fait le choix plutôt que de mettre à disposition les ressources nécessaires, de vider de sens les condamnations prononcées. (voir notre note ici)

  • UNITÉ MAGISTRATS est membre à part entière de l’Union Justice Force Ouvrière qui regroupe l’ensemble des magistrats et fonctionnaires adhérents à notre Confédération. Nous disposons ainsi, par des échanges constants entre différentes filières, d’une vision transversale des problèmes auxquels le Ministère de la Justice est confronté. En matière d’exécution des peines, nous avons pu bénéficier de la réflexion approfondie menée par le Syndicat des Directeurs des Services Pénitentiaires (FO Direction) et du fruit de leurs réflexions.

UNITÉ MAGISTRATS et FO Direction préconisent, l’un et l’autre, des mesures innovantes dont la mise en œuvre serait une avancée majeure dans la prise en charge des personnes condamnées et notamment :

- la création d’une « police de la probation »

- l’application du principe de l’encellulement individuel par une politique volontariste

- la création d’un statut d’«officier de police judiciaire pénitentiaire »

(voir note FO Direction ici)

► Sur la justice économique et sociale

  • UNITÉ MAGISTRATS estime qu’une réforme en profondeur de la justice du travail est devenue aujourd’hui incontournable.

Souvent décriés pour leurs dysfonctionnements, les Conseils de Prud’hommes (CPH) ont fait l’objet de diverses réformes qui n’ont permis de résoudre ni les délais de jugement ni un taux d’appel largement supérieurs à ceux des juridictions civiles de première instance.

Pour remédier à cette situation, UNITÉ MAGISTRATS avance 6 propositions structurelles et fonctionnelles (voir notre note ici) dont la mise en place de l’échevinage, la formation des conseillers et la présence obligatoire des avocats en appel.

En conclusion,

UNITÉ MAGISTRATS prendra connaissance avec la plus grande attention du rapport qui sera remis par le Comité le 21 mars 2022 et dont nous attendons que les préconisations soient à la hauteur de la crise traversée par notre institution.

Mais ce rapport ne prendra évidemment tout son sens que s’il sert de base à de véritables négociations avec les organisations syndicales dans le cadre d’un « Vendôme de la Justice » et à une réforme constitutionnelle de grande ampleur.

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