Le 20 mai 2020, la Chancellerie a diffusé une circulaire dite de "régulation carcérale" co-signée par la directrice des affaires criminelles et des grâces et le directeur de l'administration pénitentiaire.
Sous-couvert de la mise en œuvre des dispositions relatives aux peines de la loi du 23 mars 2019, cette circulaire érige un nouveau critère de détermination et d'exécution de la peine non prévu par la loi : la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires.
Elle enjoint en conséquence aux magistrats de requérir et de juger en fonction du nombre des places disponibles en prison. Ainsi, au moment où le débat sur l'indépendance de la justice est, suite aux récentes déclarations de l'ex procureure du Parquet national financier devant la représentation nationale, plus que jamais d'actualité, la Chancellerie entend transformer les juges en "préfets judiciaires", chargés de moduler leurs décisions selon une "logique hôtelière".
Au-delà de l'indépendance des magistrats, ce sont par ailleurs plusieurs principes fondamentaux de notre droit qui sont mis à mal par cette circulaire, entraînant :
- Au stade du prononcé de la peine, une rupture d'égalité entre les justiciables. En effet, ceux-ci risquent d'être différemment sanctionnés selon qu'ils sont jugés dans ressort où les capacités d'accueil sont, ou non, saturées.
- Au stade de l'exécution de la peine, une atteinte à l'autorité de la chose jugée. Ainsi, la circulaire demande-t-elle précisément le réexamen des peines d'une durée inférieure ou égale à 6 mois dont l'aménagement aurait déjà été refusé par le Juge de l'application des peines ainsi que la non-exécution systématique des peines courtes, anciennes ou résiduelles, sans en préciser ni le quantum ni la durée.
Enfin, il va de soi que de telles instructions constituent une aberration au plan de l'efficacité de la justice : à quoi sert de poursuivre et de condamner si, au final, ce sont des critères non juridiques qui doivent présider à nos décisions ?!
C'est pourquoi UNITÉ MAGISTRATS qui a à cœur de protéger les missions des magistrats dans le respect des grands principes de notre droit et garantir la séparation des pouvoirs a formé auprès du Conseil d'Etat une requête en annulation assortie d'un référé-suspension à l'égard de cette circulaire. Celui-ci sera examiné le 30 juin 2020.