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Conseil d’Administration de l’ENM du 9 janvier 2023 : Chronique d’une mort annoncée

Flash info,  ENM 17/01/2023

Conseil d’Administration de l’ENM du 9 janvier 2023 : Chronique d’une mort annoncée - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

UNITÉ MAGISTRATS a participé, le 9 janvier 2023, au Conseil d’Administration exceptionnel au cours duquel a été soumis pour avis, un projet de décret qui constitue le premier acte de la disparition à plus ou moins brève échéance de l’ENM.

Ce texte qui modifie les modalités d’accès aux emplois de l’ENM telles que définies par le décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999, prévoit le recrutement dans l’équipe de direction et parmi les coordonnateurs de formation ainsi que les coordonnateurs régionaux, de fonctionnaires de catégorie A et de personnes issues du privé.

Aucune condition de diplôme, d’expérience professionnelle, de compétence ou de connaissance approfondie d’un service public régalien n’est posée. Mieux encore, l’embauche de ces nouveaux cadres qui sera laissée à la discrétion de la direction de l’ENM, se fera sans restriction de conflits d’intérêts, sans exigence de non cumul d’emplois ou de revenus.

En un mot, la formation des magistrats est une chose trop sérieuse… pour être confiée à des magistrats !

Pour tenter de justifier une idée aussi farfelue, les rédacteurs de ce texte prétendent répondre à une préconisation du rapport Sauvé pour mettre fin à « l’entre-soi », ce mal chronique de la magistrature que l’on contracte dès l’entrée à l’ENM…

A lire de plus près ce passage du rapport Sauvé, il s’agissait au départ de supprimer purement et simplement l’ENM et de la remplacer par une sorte d’« Institut » aux conditions d’accès indéterminées dont la mission aurait consisté à dispenser une formation commune aux avocats et aux magistrats. Toute ressemblance avec des personnes ou situations ayant existé serait purement fortuite… Après l’ENA, venait le tour de l’ENM. Ce nouveau « machin » de formation juridique n’a pas vu le jour pour une seule raison : l’impossibilité matérielle de regrouper chaque année les 3000 nouveaux avocats et les 300 auditeurs de justice. Mais ce n’est que partie remise, une martingale est activement recherchée et dans l’immédiat, on retire progressivement à l’ENM son statut d’école d’application.

L’alibi de « l’ouverture » ne trompe personne. Chacun sait parfaitement que le profil des formateurs actuels est largement diversifié et que les magistrats intervenants à l’ENM sont issus aujourd’hui de tous horizons socio-professionnels. Quant au contenu des enseignements, il a aussi considérablement évolué au fil du temps pour s’intéresser à des domaines on ne peut plus variés.

Mais à force de vouloir sortir de l’entre-soi, l’ENM a fini par perdre son identité au détour de programmes dont la cohérence est apparue de moins en moins évidente. L’obsession de l’ouverture qui s’est emparée de l’ENM à tous les niveaux au cours des dernières années, a abouti à un dévoiement de sa mission première : transmettre des savoir-faire de haut niveau. L’acquisition de solides compétences techniques et pratiques s’est estompée au profit d’enseignements répondant plus à un souci de mode que d’efficacité et d’utilité pour un exercice professionnel chaque jour plus ardu.

Parallèlement, se mettait en place sur les nouvelles promotions une emprise idéologique et disciplinaire grandissante. Sous couvert de déontologie, le conformisme et la soumission hiérarchique devenaient des totems devant lesquels chacun était prié de s’incliner. Le formatage a ainsi pris le pas sur la formation.

Ces orientations pour le moins contestables et la multiplication subséquente d’intervenants extérieurs ont fragilisé l’ENM qui s’apprête à traverser une crise structurelle inédite dont l’enjeu est sa propre existence. On pouvait imaginer que la dangerosité du projet décret précédemment évoqué apparaîtrait comme une évidence aux yeux de tous. Il n’en a rien été. Le Conseil d’Administration a approuvé, le 9 janvier, à la majorité et sans aucune réserve, le texte qui lui était soumis. L’opposition unanime des formateurs, des organisations syndicales et de plusieurs membres éminents n’a pas été entendue. Ce sabordage en règle laisse mal augurer de l’avenir de l’ENM.

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