COMMUNIQUE- Sortir la France du piège du narcotrafic : le Conseil constitutionnel valide plusieurs propositions d’UNITE MAGISTRATS

Sortir la France du piège du narcotrafic : le Conseil constitutionnel valide plusieurs propositions d’UNITE MAGISTRATS
La loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic est l’aboutissement d’un long travail débuté par la commission d’enquête sénatoriale à partir du mois de novembre 2023, suivi du dépôt d’une proposition de loi, travail auquel UNITÉ MAGISTRATS a activement participé.
Par décision n°2025-885 DC du 12 juin 2025, le Conseil constitutionnel, saisi de 38 articles sur les 64 articles de la loi, a déclaré conformes à la Constitution 32 d’entre eux. C’est donc 58 articles sur 64 au total qui sont in fine validés, confirmant l’économie générale de la loi et ses principales dispositions.
La nouvelle articulation, comprenant un Parquet National Anti Criminalité Organisée (PNACO) et la création d’un service d’enquête chef de file en matière de lutte contre la criminalité organisée, n’a pas fait l’objet de saisine du Conseil Constitutionnel
S’il ne s’oppose pas à ce nouveau dispositif, UNITE MAGISTRATS préconisait plutôt la création d’un PNATCO[1]regroupant la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, compte tenu de la porosité entre ces deux formes de criminalité. Cette nouvelle entité serait adossée aux JIRS, échelons pertinents dans la connaissance de la criminalité locale et dont les moyens seraient renforcés. Etant observé que cette organisation, proche du système italien, a fait ses preuves dans la lutte anti-mafia.
UNITE MAGISTRATS est par ailleurs favorable aux dispositions de la nouvelle loi, prévoyant une communication et centralisation systématique des informations issues du renseignement, qui devraient rendre plus efficace la lutte contre la criminalité organisée.
Certains des articles non censurés fournissent en outre des outils pour lutter plus efficacement contre la criminalité organisée[2].
Le Conseil a par ailleurs prononcé la censure totale ou partielle de 6 articles. Certains nécessiteraient des adaptations ou un meilleur encadrement pour être éventuellement validés.
Ainsi, deux censures sont intervenues sur le fondement d’une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et faute d’encadrement suffisant. Il s’agit des dispositions conférant aux services de renseignement un accès direct et non encadré à différents fichiers contenant des données personnelles fiscales (FICOBA, FICOVIE et la base nationale des données patrimoniales notamment) et ce par dérogation au secret fiscal, et celles permettant de recourir aux traitements automatisés algorithmiques des URL, cette analyse à grande échelle étant susceptible de porter notamment sur le contenu de correspondances échangées, de manière générale et indifférenciée[3].
Le Conseil a aussi censuré le recours à la visioconférence pour la comparution des personnes placées en quartier de lutte contre la criminalité organisée, en ce que la disposition concernée ne limitait pas ce recours, prévoyant qu’il s’applique pendant toute la durée de la détention provisoire[4].
D’autres dispositions ont été jugées excessives et disproportionnées : il s’agit de celles aggravant sensiblement les peines de privation de liberté en cas de circonstance aggravante de port d’arme et de celles prévoyant un allongement possible de la garde à vue à 96h pour les infractions de corruption et de trafic d’influence avec la circonstance de bande organisée.
Enfin, le principe de la création d’un « dossier-coffre », que notre syndicat préconisait, a été validé par le Conseil constitutionnel[5], sous réserve que les éléments qui y sont versés, non soumis au contradictoire, ne servent qu’à orienter l’enquête et non à fonder une condamnation. Le Conseil a donc censuré partiellement, sur le fondement du respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, l’article qui prévoyait à titre exceptionnel de pouvoir fonder une condamnation sur la base d’éléments de preuve issus des techniques d’enquêtes versées à ce « dossier coffre ».
Au final, UNITE MAGISTRATS relève avec satisfaction que plusieurs de ses propositions sont traduites dans le droit positif et notamment la création dans les établissements pénitentiaires de « quartiers de lutte contre la criminalité organisée », inspirée du modèle italien, dans lesquels s’applique un régime de détention dérogatoire. Celui-ci devrait permettre d’assurer la sécurité des personnels pénitentiaires et des autres détenus et d’empêcher le risque de réitération depuis la détention. D’autres propositions soutenues par notre syndicat, sont entérinées : la réforme du statut du repenti, la création du dossier-coffre ou encore l’activation à distance aux fins d’enregistrement des appareils électroniques pour les infractions graves commises dans le cadre de la criminalité organisée.
Enfin, les articles permettant une meilleure prise en compte du volet financier nous apparaissent tout à fait pertinents, sous réserve que les moyens nécessaires soient alloués notamment aux services enquêteurs.
UNITÉ MAGISTRATS restera vigilant sur l’application de la nouvelle loi, dont certaines dispositions viennent d’entrer en vigueur, et continuera à porter les réformes nécessaires pour une véritable simplification de la procédure pénale dans le respect de l’Etat de droit et des droits de la défense, dans un souci de pragmatisme et sans idéologie contre-productive.
[1] Voir notre précédent communiqué : « Narcotrafic et prison : des avancées majeures issues de nos propositions ».
2 Et notamment la fermeture administrative de lieux en lien avec la commission d’infractions liées au narcotrafic, le retrait et le blocage de contenus en ligne qui proposent l’achat de stupéfiants, l’’activation à distance d’appareils électroniques fixes et mobiles aux fins d’enregistrement de l’image et du son dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée.
3 Dans son communiqué de presse, le Conseil constitutionnel précise que « C’est donc faute d’encadrement suffisant du champ des données susceptibles d’être traitées qu’il a censuré ces dispositions ».
4 Notre syndicat préconisait une possibilité de comparution physique au moins une fois par an.
5 Le Conseil rappelle que l’objectif de ce dispositif est de prévenir le risque de représailles dans le cadre de la criminalité organisée et qu’il contribue ainsi à l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.