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Unité Magistrats FO

Organisation interne et fonctionnement des juridictions

Etats Généraux 22/01/2022

Organisation interne et fonctionnement des juridictions - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

États généraux de la Justice

Groupe de travail « Pilotage des organisations

et évolution des missions et des statuts »

 

Contribution UNITÉ MAGISTRATS SNM FO

 

Organisation interne et fonctionnement des juridictions

 

Mise à part l’indigence budgétaire et l’inadéquation des effectifs aux besoins, la crise sans précédent de l’institution judiciaire tire aussi son origine d’une organisation interne et d’un fonctionnement dont l’archaïsme impacte profondément l’efficience du travail juridictionnel.

Pour remédier à cette situation, UNITÉ MAGISTRATS SNM FO préconise 3 mesures :

1. Renforcer le dialogue social en juridiction et la prise en compte de la voix des magistrats

Actuellement, les chefs de juridiction bénéficient d'un monopole de décision lors des assemblées générales. Or, il est nécessaire de réintroduire de la démocratie.

Le système actuel prévoit 5 types d’assemblées générales (articles R21234 ss et R 312-39 ss COJ) : siège, parquet, siège et parquet, fonctionnaires, plénière.

Leurs compétences essentielles sont l’organisation des audiences et des services, la répartition des contentieux, l’affectation des magistrats et le fonctionnement interne de la juridiction.

Quant à leurs pouvoirs, les assemblées générales ne sont en réalité que des chambres d’enregistrement dépourvues d’un quelconque pouvoir décisionnel émettant de simples avis qui ne lient en rien les chefs de juridiction. Ceux-ci ont pour seule obligation, en cas d’avis défavorable, de reconvoquer l’assemblée après une éventuelle modification de l’ordonnance litigieuse. Les organisations syndicales représentatives n’ont dans ces organes de délibération aucune existence officielle.

Afin de responsabiliser les magistrats et leur permettre de prendre en main collectivement le fonctionnement interne de la juridiction et l’élaboration de son plan de charge, il convient de structurer le dialogue social en juridiction et de leur permettre une participation utile à la vie de la juridiction notamment lors de ces assemblées.

En effet, ces instances de concertation sont indispensables, pour assurer la « coopération » seul mode de fonctionnement d'une organisation du travail fondée sur la division des tâches. Or, cette coopération exige des relations de confiance entre les acteurs, mais aussi de la visibilité au sens où chacun peut exprimer son point de vue et la capacité à écouter les autres pour parvenir à des accords consensuels sur les manières de faire et de travailler, sur les responsabilités et les obligations de chacun.

L'octroi d'une voix délibérative aux magistrats lors de ces assembléeset la possibilité pour eux de s'opposer, le cas échéant avec un certain niveau de majorité, à des décisions concernant la juridiction, ou au contraire de proposer un projet qui pourrait être adopté collectivement, sont des mesures qui nous paraissent indispensable afin de renforcer l'efficacité du travail et la motivation collective.

2. Recentrer le magistrat sur le cœur de sa mission : constituer une équipe autour du magistrat

Les chantiers de la justice du XXIème siècle avaient consacré la nécessité de mettre en place une "équipe autour du magistrat". Mais, faute d’avoir mené en amont une réflexion pragmatique et prospective ni a fortiori effectué la moindre étude d’impact, la loi de modernisation de la justice du 18 novembre 2016 n’a, avec la création des juristes assistants, nullement répondu au besoin des juges.

Une nouvelle fois, a prévalu au Ministère de la Justice une vision minimaliste, peu ambitieuse et peu efficiente en termes de gestion des ressources humaines. Or nous faisons le constat que les magistrats ne sont plus aujourd’hui en mesure de remplir leur mission dans des délais raisonnables, en raison du flux toujours grandissant de contentieux de masse et de la multiplication des tâches annexes.

Par ailleurs, le ministère de la Justice commet l'erreur de recruter toujours plus massivement en juridiction comme en administration centrale des personnels contractuels dont la précarité du statut a pour conséquence :

> en début de mission, la perte du temps consacré à leur formation

> en cours de mission, l’absence de valorisation du potentiel des intéressés

> en fin de mission, la déperdition des acquis et de la mémoire opérationnelle des agents

UNITÉ MAGISTRATS SNM FO préconise :

- la création d’un corps intermédiaire de fonctionnaires de catégorie A, les assistants des magistrats venant s’intercaler en remplacement des juristes assistants (décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017 et Article R123-30 ss du COJ) entre les greffiers en chef du 1er grade et les magistrats du second grade.

- l’organisation pour assurer le recrutement des assistants des magistrats d’un concours national (niveau minimum Master 2, Bac +5) pour aboutir à l’émergence d’un corps sui generis.

- la mise en place d’une formation initiale pouvant être assurée par l’ENM et suivi d’un stage en juridiction ; le tout ne devant pas excéder 6 à 8 mois.

- l’élaboration d’un statut attractif, spécifique en termes de pérennisation des emplois de progression indiciaire, de déroulement des carrières notamment grâce à la possibilité d’accéder à la magistrature par concours interne ou recrutement latéral.

- la répartition de ces personnels sous forme d’une circulaire définissant de manière structurelle, par service, au regard des ETP effectifs, les critères d’affectation auprès de l’ensemble des magistrats spécialisés ou non.

UNITÉ MAGISTRATS SNM FO propose l’uniformisation au niveau national de la fiche de poste des assistants des magistrats dont les attributions seraient :

- Administratives

traitement du courrier et des soit transmis (rédaction de projets d’envois et de réponses)

gestion du calendrier du magistrat

suivi des statistiques

préparation du rapport annuel d’activité

- Juridiques

élaboration d’une fiche de synthèse par dossier avant chaque audience

assistance à l’audience et rédaction de la note d’audience

recherches de doctrine et jurisprudence sur les points de droit soulevés dans les dossiers complexes

rédaction de projets de décisions

3. Redéfinir une cartographie judiciaire opérationnelle

Largement décriée par son archaïsme et son inadéquation avec les attentes des justiciables, l’actuelle carte judiciaire ne répond pas davantage, à quelques exceptions près, à la répartition des moyens nécessaires à la bonne exécution des missions de notre corps.

On nous objectera peut-être que l’ambition de l’ordonnance n°2019-222 du 18 septembre 2019 était précisément d’y remédier par la création du Tribunal Judiciaire.

Mais la fusion des 258 TI avec les 164 TGI avait en réalité pour unique objet, derrière un affichage démagogique d’accès simplifié à la justice pour nos concitoyens, de mutualiser les effectifs de magistrats en déspécialisant une partie d’entre eux. Relevons au passage l’incohérence ou la duplicité politique de la démarche qui maintenait, en même temps, 125 tribunaux de proximité pour juger les contentieux du quotidien. La survie de ces anciens TI qui devaient au hasard de la géographie d'être situés sur une commune différente des TGI, était due en réalité à l’impossibilité matérielle de regrouper sur un site départemental unique sans édifier de nouvelles cités judiciaires, l’ensemble des effectifs et des moyens matériels.

Cette réforme de l’organisation judiciaire qui n’a été précédée, comme à l’accoutumée au Ministère de la Justice, d’aucune négociation avec les organisations syndicales de magistrats qui ont été mises devant le fait accompli, s’est heurtée, et se heurte toujours, à l’opposition unanime des collègues concernés. Plus généralement, elle a été perçue par les magistrats comme une volonté affichée du Ministère de sacrifier au culte du rendement statistique la qualité des décisions. La suppression d’un trait de plume d’une catégorie de juges hautement spécialisés est le signe annonciateur de l’émergence de magistrats généralistes interchangeables dont la seule mission sera de faire du chiffre.

En un mot, cette ordonnance de 2019 est le parfait contre-exemple de la réforme à mener en matière d’organisation et de cartographie judiciaire.

UNITÉ MAGISTRATS SNM FO veut croire que les États Généraux seront l’occasion de remédier à ces errements et de définir une implantation nationale des juridictions à la hauteur des enjeux auxquels notre institution se doit de répondre.

A cet égard, nous considérons que le premier critère à retenir est celui de la proximité avec le justiciable qui est le gage de l’efficacité de la décision de justice. Le palais de justice doit continuer à faire partie intégrante du paysage urbain et demeurer identifié dans sa symbolique par nos concitoyens. Un éloignement géographique déraisonnable ferait perdre une grande partie de son sens à l’action du juge qui apparaîtrait déshumanisée et indifférente au quotidien du justiciable.

Le second critère est, bien évidemment, celui de la célérité qui passe non seulement par une réflexion sur le périmètre d’intervention du juge mais aussi, et peut-être même surtout, par l’allocation des moyens nécessaires au traitement local des flux de contentieux.

Aussi, pour satisfaire à ces deux impératifs, la future carte judiciaire n’a pas vocation à s’insérer dans un découpage administratif préexistant. Au demeurant, rien ne justifierait de privilégier un cadre plutôt qu’un autre, tous sont également inadaptés aux critères précédemment énoncés. Les nouvelles régions qui pour bon nombre d’entre elles, sont dépourvues de cohérence historique, géographique, économique ou culturelle ne peuvent se substituer à la carte judiciaire existante du seul fait de l’éloignement avec le justiciable. Ce manque d’accessibilité serait encore plus vrai avec les 7 zones de défense.

Restent les actuels BOP interrégionaux. Exceptions faites de Bordeaux et Lyon qui coïncident presque exactement avec les régions administratives et les zones de défense, le redécoupage des autres BOP serait aussi hasardeux qu’arbitraire. A supposer démontré leur intérêt budgétaire, ils n’ont en rien permis de solutionner les problèmes structurels de fonctionnement rencontrés par les juridictions qui en dépendent.

UNITÉ MAGISTRATS SNM FO estime que le nœud du problème ne réside pas dans le tracé des limites territoriales des juridictions dont on conçoit fort bien la nécessité de les redéfinir en fonction de l’évolution économique et sociologique de notre pays.

Nous préconisons de sortir des découpages théoriques et de rapprocher aussi précisément que possible la carte judiciaire de celle de la population française avec un seuil de pondération à définir pour les zones rurales. A une forte densité de peuplement devra correspondre une implantation judiciaire proportionnelle.

La base de calcul à retenir pour définir les effectifs de magistrats à affecter en juridiction sera a minima la moyenne européenne du nombre de juges pour 100 000 habitants (soit 21,5 arrondie à 22) étant rappelé que la France atteint aujourd’hui péniblement la moitié de ce chiffre (11 juges pour 100 000 habitants). Quant au nombre de parquetiers, il devra lui aussi être aligné sur la moyenne européenne de 12 pour 100 00 habitants (contre 3 aujourd’hui en France).

En résumé la nouvelle cartographie judiciaire aura pour objet de faire correspondre au niveau local et régional les besoins et les moyens.

 

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