Permanence : 01 44 32 54 63
Page LinkedIn
Unité Magistrats FO

Décret instaurant des Pôles VIF en juridiction : « Écrit sur du vent »

Flash info,  Textes 14/09/2023

Décret instaurant des Pôles VIF en juridiction : « Écrit sur du vent » - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

La rentrée judiciaire à peine commencée, la Chancellerie retourne à ses vieux démons. Concoctés pendant les vacations estivales, elle s’empresse d’inventer, par voie réglementaire, des « Pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales (VIF) au sein des tribunaux judiciaires et des cours d’appel » Le projet de décret nous a été présenté par la DSJ au CSA des services judiciaires de ce jour auquel UNITÉ MAGISTRATS a participé.

À première vue, on pourrait croire que la mesure a été enfin prise de la gravité d’un phénomène sociétal chaque jour plus inquiétant et que, cette fois, des dispositions radicales seraient prises pour y remédier.

Il n’en est rien. Cet intitulé, a priori ambitieux, cache une coquille vide. Il s’agit de répondre uniquement à une commande politique en agitant devant les médias un gadget qui tentera de donner l’illusion de l’action en se gardant bien de se doter d’un outil judiciaire opérationnel.

En lieu et place de la création dans chaque juridiction de chambres transversales spécialement dédiées au traitement de ce contentieux, la Chancellerie se contente d’ajouter une couche au millefeuille de l’organisation judiciaire avec une énième structure d’échange dénuée du moindre pouvoir. Trois articles viendront ainsi grossir la partie R du COJ. Deux magistrats coordonnateurs (un au siège et un au Parquet) et un COPIL viendront allonger la liste déjà fort copieuse des structures d’animation et d’échange déjà existantes. Quand un féminicide est commis tous les trois jours dans notre pays, on pouvait s’attendre à une réponse d’un autre niveau.

Dénués de toute fonction juridictionnelle, ces prétendus « Pôles » ne sont en réalité que des entités virtuelles n’existant que sur le papier. Aucun service avec son organigramme, son personnel, ses locaux dédiés ne verra le jour. Les Pôles VIF sortiront de terre à moyens constants…entendez par là, sans crédit ni effectifs.

Mieux encore, ces responsabilités nouvelles devront être assumées sans décharge d’activité malgré une revendication portée constamment en ce sens par UNITÉ MAGISTRATS au profit de l’ensemble de nos collègues auxquels sont confiées des fonctions d’encadrement. Les coordonnateurs des Pôles VIF n’auront qu’à sacrifier leur temps de repos pour faire face à cette charge de travail supplémentaire.

Dépourvus du moindre pouvoir décisionnel, ces Pôles reposeront sur des magistrats  qui ne disposeront d’aucune des attributions d’un chef de service et ne pourront, pour mener à bien leur mission, se prévaloir d’une quelconque autorité hiérarchique.

Pire encore, l’imprécision de leur mission en aggravera la complexité. Destinataires, dans des délais inconnus et par des canaux non précisés, des informations relatives aux VIF, les coordonnateurs auront pour attribution de veiller à la mise en place de circuits de traitement par les services du Siège ou du Parquet. Ils pourront, même, présenter aux chefs de juridiction des propositions d’audiencement dédié…on l’espère avec l’accord préalable des magistrats en charge des services concernés.

Ajoutons qu’il incombera aux coordonnateurs, comme il fallait s’y attendre, la rédaction de l’inévitable rapport annuel …auquel l’administration ne donnera aucune suite.

Pour faire de cet édifice en trompe l’œil une parfaite usine à gaz, la Chancellerie a eu recours à sa carte maîtresse : le COPIL. Avec une précision dont chacun pourra mesurer la subtilité rédactionnelle, le décret précise que le COPIL se réunit « périodiquement et en tant que de besoin ». Le décret se livre à un inventaire à la Prévert des participants à cet aréopage mais se garde d’en indiquer le nombre au demeurant à géométrie variable en fonction des thématiques abordées …

Afin d’ajouter encore à la confusion, le COPIL se voit doter d’attributions qui recoupent ou se superposent avec celles que l’on pensait relever des magistrats coordonnateurs (détermination des actions coordonnées à mettre en œuvre, suivi des dispositifs de lutte contre les VIF…).

Pour autant, la responsabilité des magistrats coordonnateurs ne sera pas dégagée en cas de difficulté. Au moindre incident ou fait divers, ils seront jetés en pâture aux médias et serviront de fusibles à la hiérarchie. Il est même possible que des poursuites disciplinaires pour manquement professionnel puissent être engagées à leur encontre.

Si le sujet des VIF n’était pas aussi dramatique, l’indigence de ces Pôles que l’on ose à peine qualifier de « nouveau dispositif », pourrait prêter à sourire. Mais la seule image des victimes que nous croisons au quotidien dans nos juridictions fait surtout naître un sentiment de consternation et de révolte. Ces femmes, ces enfants, continueront, et pour longtemps, à rejoindre le flot de celles et ceux que l’État n’a pas su protéger.

C’est la raison pour laquelle UNITÉ MAGISTRATS préconise la création de Pôles VIF transversaux dotés de fonctions juridictionnelles qui sauront faire la démonstration de l’engagement de la magistrature sur ce sujet majeur en y apportant une réponse judiciaire efficace et diligente.

 

Dernières publications