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Unité Magistrats FO

Quels périmètres pour le JLD ?

Etats Généraux 20/01/2022

Quels périmètres pour le JLD ? - Syndicat Unité Magistrats SNM FO

États généraux de la Justice

Atelier « Simplification de la justice pénale »

 

Contribution UNITÉ MAGISTRATS SNM FO

 

Quels périmètres pour le JLD ?

 

LA DÉTENTION PROVISOIRE

Surpopulation carcérale

Le taux moyen de surpopulation carcérale est de 140 % (avec des pics de 180 % à 200 % en région parisienne), soit en moyenne 2 ou 3 personnes sur une surface de 9 m2.

Pourtant le Code de Procédure Pénale pose le principe de l'encellulement individuel (posé par une loi du 5 juin 1875...!).

En dépit d’alertes répétées depuis des dizaines d’années et de condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison des conditions indignes de détention dans plusieurs Maisons d’arrêt françaises, à raison notamment de la promiscuité, (notamment déjà en 2013 par un arrêt en date du 25 avril 2013, CANALI c/ France, et plus récemment par un arrêt en date du 30 janvier 2020 J.M.B et A c/ France) rien de significatif n’a jamais été fait pour augmenter les places de prison; la conséquence de cette carence a tragiquement éclaté au grand jour avec la crise sanitaire, et la situation explosive dans les maisons d’arrêt en raison de la pandémie et notamment du premier confinement de 2020, avec un risque sanitaire accru pour les détenus - mais aussi les surveillants pénitentiaires- dans ce contexte, en lien avec l’importante promiscuité découlant de cette surpopulation carcérale.

La solution proposée dans l’urgence par le gouvernement a été de vouloir réduire la population carcérale, avec notamment l'envoi d’une circulaire datant du 20 mai 2020 demandant aux Parquets de ne pas faire exécuter les courtes peines, circulaire annulée par le Conseil d'État par une décision en date du 24 septembre 2021 à la suite d'un recours d'UNITÉ MAGISTRAT SNM FO.

Cette solution n'est de fait pas du tout satisfaisante puisqu'elle renvoie à une logique de non exécution des peines ou d’exécution partielle des peines, très mal perçue et à juste titre par l’opinion publique (de fait, quel est le sens de prononcer des peines d’emprisonnement non exécutées par la suite..?);

Par ailleurs on peut globalement constater en pratique qu'il n’y a pas de recours abusif et systématique à l’enfermement de la part des magistrats, les peines d’emprisonnement ferme prononcées au stade du jugement le sont généralement pour des faits graves et/ou des individus multirécidivistes pour lesquels des peines alternatives à l’emprisonnement ont le plus souvent été préalablement prononcées;

Lors du premier confinement, en 2020, les Juges des Libertés et de la Détention ont ainsi été littéralement “envahis” de demandes de mise en liberté, au regard des conditions sanitaires, mais les critères de l’article 144 du Code de Procédure Pénale permettant de motiver la détention provisoire n’ont rien à voir avec des circonstances sanitaires, puisqu’il s’agit de préserver une instruction en cours, prévenir la récidive, garantir la représentation en justice, prévenir un risque grave de trouble à l'ordre public, en matière criminelle.

Les conséquences de cette politique apparaissent catastrophiques, en terme d'opinion publique, de sécurité publique, de crédibilité même de la justice dont les décisions de justice ne sont plus exécutées, ou bien remises en cause pour des motifs exclusivement sanitaires.

Par cette politique de vouloir vider les prisons faute de mieux, pour y éviter une catastrophe sanitaire, le législateur a récolté de manière inédite les fruits d’une politique ayant consisté à différer systématiquement dans les maisons d’arrêt les plus surpeuplées le principe d’encellulement individuel.

Dans le même sens et pour répondre aux condamnations de la France par la Cour Européenne des Droits de l'homme, relatives aux conditions indignes de détention, le législateur a créé récemment, par une loi du 8 avril 2021, un nouveau dispositif permettant à tout détenu de saisir un juge (Juge des Libertés et de la détention, ou Juge d'application des Peines, selon que le détenu est incarcéré dans le cadre d'une détention provisoire ou en exécution de peine) pour solliciter sa remise en liberté au seul motif des « conditions indignes de détention », pouvant être liés à la promiscuité, à la vétusté et l'état dégradé des prisons, ou à tout autre motif qui caractériseraient des conditions « indignes de détention » , peu importe par ailleurs le motif de la détention (pouvant donc concerner potentiellement de dangereux criminels).

Il apparaît que le seul remède efficace réside en réalité dans une politique active de construction d'établissements pénitentiaires et de restauration des établissements vétustes, dans la mesure du possible, et ce dans l'intérêt du service public de la justice, de l'ordre public mais aussi évidemment dans l'intérêt des premiers concernés : les détenus. De fait, la question de l'accès aux activités en prison, au travail, aux soins psychologiques notamment, est directement en lien avec la question de la surpopulation carcérale.

Caractère fréquent et parfois abusif des demandes de mise en liberté

Selon le dispositif actuel en matière de détention provisoire, tout détenu peut faire une demande de mise en liberté « à tout moment », donc potentiellement tous les jours (article 148 Code de procédure pénale) ; cela conduit à des risque d'abus et de dysfonctionnement en cas de demandes nombreuses et réitérées émanant d'une même personne (pouvant aboutir à des remises en liberté en cas d'omission de statuer dans le délai prévu dans le pire des cas) ; de plus ce caractère systématique apparaît illusoire en terme d'efficacité, puisqu'un juge n'envisage une remise en liberté sous contrôle judiciaire qu'en cas d'élément nouveau, considérant l'avancée de l'instruction et/ou la production de garanties de représentation nouvelles considérées comme suffisamment solides ; or en quelques jours, rien de significatif ne change de sorte que les motifs des rejets de DML successives restent identiques.

Il conviendrait en conséquence de limiter dans le temps la possibilité pour le détenu de faire une requête aux fins de mise en liberté, à une fois tous les quinze jours par exemple voire par mois. C'est aussi dans l'intérêt du détenu lui même car de moins fréquentes requêtes, sérieusement motivées, permet au juge de considérer plus « sérieusement » celles-ci.

 

HOSPITALISATIONS EN PSYCHIATRIE SOUS CONTRAINTE

Depuis les débuts de la crise Covid a été constaté un accroissement significatif des hospitalisations sous contrainte pour décompensation psychiatrique et graves dépressions/tentatives de suicide/crises d’angoisse, en lien notamment avec des situations dramatiques d’isolement de personnes vulnérables, isolement gravement accru à la suite des mesures tels les confinements, les couvre feu, les fermetures de lieux de sociabilisation tels les restaurants, lieux de culture ou de culte, universités etc... une forme de matraquage médiatique concernant la pandémie a pu également atteindre gravement le psychisme des personnes plus vulnérables, surtout quand elles étaient isolées, l’isolement et l’enfermement ayant aussi entraîné des ruptures de soins et de suivi psychiatriques pour ceux qui en avaient besoin; ainsi sur le deuxième semestre 2020 et en 2021, on a au niveau du service des Juges des Libertés et de la Détention constaté une augmentation significative des dossiers, et donc du nombre des patients, lors des audiences de contrôle de ces mesures, mettant en difficulté les services hospitaliers, engorgées et confrontés à une insuffisance d’effectifs, notamment de médecins psychiatres.

Le même phénomène inquiétant a été relevé par les pédopsychiatres, concernant le mal être des enfants et des adolescents dans ce contexte.

Il apparaît à cet égard dommageable que la santé publique ne soit plus considérée que par rapport à la problématique Covid sans égard ou considération pour les autres facteurs de santé ;

L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit pourtant la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité « .

En conséquence la problématique très importante et inquiétante concernant la santé mentale de nos concitoyens, apparaît globalement mise de côté.

Cela entraîne des conséquences directes sur l'activité des Tribunaux : augmentation des hospitalisations sous contrainte, fragilité psychique et conduites de toxicomanie ou à risque, également lié à un accroissement de la délinquance, violences intrafamiliales, mises en danger des enfants etc.

Dans ce contexte est par ailleurs intervenue, suite à une Question prioritaire de constitutionnalité relative à la question du contrôle par un juge des mesures d’isolement et de contention pour les patients hospitalisés en psychiatrie, une décision du Conseil constitutionnel en date du 19 juin 2020, imposant au Législateur une réforme par laquelle il devait prévoir un contrôle du juge des libertés et de la détention concernant les mesures d'isolement et de contention en milieu psychiatrique; deux tentatives de réforme sont ensuite intervenues, par des projets de loi déclarés à deux reprises inconstitutionnel (!), notamment par une dernière décision du Conseil constitutionnel en date du 16 décembre 2021 -cette dernière censure intervenant car le dispositif était intégré dans la loi de financement de sécurité sociale 2022, constituant un « cavalier budgétaire »-). Un nouveau projet doit donc intervenir prochainement, dont le fond sera probablement similaire au dispositif récemment censuré.

En tout état de cause ce projet de loi qui prévoyait un contrôle systématique du juge toutes les 24h pour les mesures de contention et 48h pour les mesures d'isolement, était quasi inapplicable pour les établissements hospitaliers, et très difficilement applicable pour les Juges des Libertés et de la détention, à moyens constants (Pour le ressort de Versailles par exemple, 8 à 9 patients par jour seraient concernés).

Il est déplorable que cette réforme, impactant autant le fonctionnement des établissements hospitaliers et des tribunaux, ait été faite sans aucune tentative de dialogue ni éventuelle étude d'impact sur les personnes concernés, les soignants premièrement et les juges deuxièmement ; dans la mesure où il y a déjà un manque criant de psychiatres dans les hôpitaux, il s'agit typiquement du genre de mesure qui risque de décourager les vocations, voire de faire fuir les psychiatres hospitaliers vers le secteur libéral/privé (selon des propos que nous ont tenus des médecins psychiatres eux mêmes).

(Notre proposition au service JLD de Versailles, réaliste pour tout le monde, était un contrôle de l'isolement a postériori à 12 jours, avec comme sanction possible la levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte en cas d'isolement abusif ou illégal : dissuasif pour les hôpitaux qui en conséquence font attention à la manière dont ils gèrent les mesures d'isolement et de contention, pour éviter une sanction ultérieure de main levée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte)

 

 PLACEMENTS EN QUARANTAINE PROVENANCE ZONE À RISQUE COVID

issu du décret 2020-610 du 22 mai 2020 - Mesures ayant pour objet la mise en quarantaine et mesures de placement et de maintien en isolement (Articles R3131-19 à R3131-25 du Code de la santé publique)

Ce dispositif concerne la problématique des personnes venant de l’étranger de pays considérés comme des “zones à risque” où circule très activement le virus de la Covid et susceptible d’amener sur le territoire français de nouveaux variants; ces placements en quarantaine sont décidés par le Préfet du lieu d'arrivée sur le territoire français, avec possibilité de recours devant le JLD pour contester la mesure, par la personne faisant l'objet de l'arrêté préfectoral : cette possibilité de recours est de fait peu utilisé par les personnes concernées, alors que les Juges des libertés et de la détention sont informés de très nombreux placements en quarantaine; ce dispositif pose pour le juge le problème de l’appréciation du risque sanitaire, incertain; ainsi, des recours ont émané par exemple de personnes au schémas vaccinal complet et ayant effectué un test PCR négatif, placées néanmoins en quarantaine par le Préfet; de fait la question se pose de l’efficacité de tel ou tel vaccin par rapport à tel ou tel variant, en l'absence total de recul; se pose aussi la question de la pertinence puisque ces personnes peuvent sortir deux heures par jour (pour faire des courses notamment) outre la question de la réalité du contrôle du respect de ce placement en quarantaine.

L'idée d'un recours devant le JLD apparaît pertinente en soi (s'agissant d'une mesure très attentatoire aux libertés) mais les critères de maintien ou de rejet de l'isolement ne sont pas déterminés par la loi, laissant le JLD devant apprécier lui même sur la base de critères scientifiques totalement incertains.

 



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